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contre-poids qui font agir toutes les machines de l’univers ; ce sont les ressorts cachés dont il plait a Dieu de se servir pour assujettir nos actions à sa volonté suprême.

Les tempéraments des hommes et les causes occasionnelles (toutes également asservies à la volonté divine) donnent ensuite lieu aux modifications de leurs volontés, et causent la différence si notable que nous voyons dans les actions des hommes.

6° Il me semble que les révolutions des corps célestes, et l’ordre auquel tous ces mondes sont assujettis, pourraient nous fournir encore un argument bien fort pour soutenir la nécessité absolue.

Pour peu qu’on ait de connaissance de l’astronomie, on est instruit de la régularité infinie avec laquelle les planètes font leur cours. On connaît d’ailleurs les lois de la pesanteur, de l’attraction, du mouvement, toutes lois inviolables de la nature. Si des corps de cette matière, si des mondes, si tout l’univers est assujetti à des lois fixes et permanentes, comment est-ce que M. Clarke, que Newton, viendront me dire que l’homme, cet être si petit, si imperceptible, en comparaison de ce vaste univers ; que dis-je ? ce malheureux reptile qui rampe sur la surface de ce globe qui n’est qu’un point dans l’univers, cette misérable créature aura-t-elle seule le préalable[1] d’agir au hasard, de n’être gouvernée par aucunes lois, et, en dépit de son créateur, de se déterminer sans raison dans ses actions ? Car qui soutient la liberté entière des hommes nie positivement que les hommes soient raisonnables et qu’ils se gouvernent selon les principes que j’ai allégués ci-dessus. Fausseté évidente ; il ne faut que vous connaître pour en être convaincu.

6° Ayant déjà répondu à votre sixième objection, il me suffira de rappeler ici que Dieu, ne pouvant pas changer l’essence des choses, ne saurait par conséquent, se priver de ses attributs.

7° Après avoir prouvé qu’il est contradictoire que Dieu puisse donner à l’homme la liberté d’agir, il serait superflu de répondre à la septième objection, quoique je ne puisse m’empécher de dire, au nom des Wolff et des Leibnitz, aux Clarke et aux Newton, qu’un dieu qui entre dans la régie du monde entre dans les plus petits détails, dirige toutes les actions des hommes, dans le même temps qu’il pourvoit aux besoins d’un nombre innombrable de mondes, me paraît bien plus admirable qu’un dieu qui, à l’exemple des nobles et des grands d’Espagne, adonnés à l’oisiveté, ne s’occupe de rien. De plus, que deviendra l’immensité de Dieu si, pour le soulager, nous lui ôtons le soin des petits détails ?

Je le répète, le système de Wolff explique les actions des hommes, conformément aux attributs de Dieu et à l’autorité de l’expérience.

8° Quant aux emportements et aux passions violentes des hommes, ce sont des ressorts qui nous frappent, puisqu’ils tombent visiblement sous nos sens ; les autres n’en existent pas moins, mais ils demandent plus d’application d’esprit et plus de méditation pour être découverts.

9° Les désirs et la volonté sont deux choses qu’il ne faut pas confondre,

  1. Aura seule le droit. (Variante des Œuvres posthumes.)