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point déshonoré par une fade intrigue de galanterie qui rend le théâtre français ridicule aux yeux des étrangers ! Dirai-je enfin que dans la pièce de M. Maffei on ne trouve pas le moindre défaut de conduite !

Quant à la mienne, je n’ai rien à dire ; j’ai pu gâter un si beau fonds, j’ai pu pousser la simplicité jusqu’à la platitude, j’ai pu altérer ce que j’ai changé ; enfin, je mets les défauts sur mon compte : si vous croyez que ces défauts soient tellement attachés à la tournure de la pièce qu’on ne puisse les en séparer, il faut abandonner l’ouvrage ; mais si vous croyez, aimable et sage critique, que l’on puisse les corriger, daignez employer une heure ou deux de votre temps à me dire ce que vous pensez, et je vous réponds que j’en profiterai.

Je ne saurais trop vous remercier, mademoiselle ; je ne saurais trop sentir la générosité avec laquelle vous préférez l’avancement de l’art à l’intérêt de jouer une pièce nouvelle. D’autres accepteraient sans hésiter un ouvrage médiocre, qui ne laisserait pas d’avoir quelques représentations ; mais vous n’avez jamais que des sentiments nobles : vous préférez l’intérêt de la réputation de votre ami à toutes les autres considérations : on ne peut rendre plus de justice que je le fais à votre esprit et à votre cœur.

La conclusion de tout ceci sera que si je ne peux rien faire de cette Mèrope, qui convienne au Théâtre-Français, je tâcherai de dérober à mes autres occupations assez de temps pour vous donner une autre tragédie qui sera toute de moi, et toute soumise à vos lumières.

J’ai beaucoup corrigé une certaine Adélaïde ; si quelque jour les comédiens en voulaient, je leur en ferais présent. Pourrais-je espérer qu’on rejouât Œdipe et Brutus avec de très-grands changements que j’ai faits à ces deux pièces, et que je compte faire imprimer ? J’ai beaucoup changé, par exemple, les rôles de Philoctète et de Tullie.

À l’égard de l’Enfant prodigue, me trompé-je si j’ose en espérer encore quelque succès quand on le jouera tel qu’il est imprimé, en retranchant les deux dernières scènes du quatrième acte ?

Puisque je suis en train d’abuser de vos bontés, puis-je vous prier de donner au sieur Minet cette petite correction qui regarde Zaïre ? On m’a dit qu’on la jouait encore quelquefois, et que grâce aux acteurs elle n’était pas mal reçue. Les deux vers que je corrige sont si mauvais que vous devez vous intéresser à les