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nécessité morale sont deux choses qu’il faut distinguer avec soin. La prrmière est toujours absolue ; mais la seconde n’est jamais que contingente ; et cette nécessité morale est très-compatible avec la liberté naturelle et physique la plus parfaite.

Le pouvoir physique d’agir est donc ce qui fait de l’homme un être libre, quel que soit l’usage qu’il en fait, et la privation de ce pouvoir suffirait seule pour le rendre un être purement passif, malgré son intelligence : car une pierre que je jette n’en serait pas moins un être passif, quoiqu’elle eût le sentiment intérieur du mouvement que je lui donne et lui imprime. Enfin, être déterminé par ce qui nous paraît le meilleur, c’est aussi une grande perfection que le pouvoir de faire ce que nous avons jugé tel.

Nous avons la faculté de suspendre nos désirs et d’examiner ce qui nous semble le meilleur, afin de pouvoir le choisir : voilà une partie de notre liberté. Le pouvoir d’agir ensuite conformément à ce choix, voilà ce qui rend cette liberté pleine et entière ; et c’est en faisant un mauvais usage de ce pouvoir que nous avons de suspendre nos désirs, et en se déterminant trop promptement, que l’on fait tant de fautes.

Plus nos déterminations sont fondées sur de bonnes raisons, plus nous approchons de la perfection ; et c’est cette perfection, dans un degré plus éminent, qui caractérise la liberté des êtres plus parfaits que nous, et celle de Dieu même.

Car, que l’on y prenne bien garde, Dieu ne peut être libre que de cette façon. La nécessité morale de faire toujours le meilleur est même d’autant plus grande dans Dieu que son être infiniment parfait est au-dessus du nôtre. La véritable et la seule liberté est donc le pouvoir de faire ce que l’on choisit de faire ; et toutes les objections que l’on fait contre cette espèce de liberté détruisent également celle de Dieu et celle de l’homme ; et, par conséquent, s’il s’ensuivait que l’homme ne fût pas libre, parce que sa volonté est toujours déterminée par les choses que son entendement juge être les meilleures, il s’ensuivrait aussi que Dieu ne serait point libre, et que tout serait effet sans cause dans l’univers : ce qui est absurde.

Les personnes, s’il y en a, qui osent douter de la liberté de Dieu, se fondent sur ces arguments : Dieu, étant infiniment sage, est forcé, par une nécessité de nature, à vouloir toujours le meilleur ; donc toutes ses actions sont nécessaires.

Il y a trois réponses à cet argument :

1° Il faudrait commencer par établir ce que c’est que le