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Césarion ne goûte pas des plaisirs parfaits dans cette vie. Votre fièvre me fournit l’occasion de vous parler sur un sujet qui m’interesse beaucoup : c’est votre santé. Je vous prie tres-instamment de ne pas trop travailler les études et les travaux de l’esprit minent infiniment la santé du corps. Vous devez vous conserver, mon amitié vous y oblige.

Je compte pour un des plus grands bonheurs de ma vie d’être né contemporain d’un homme d’un mérite aussi distingué que le votre ; mais mon bonheur ne peut être parfait si je ne vous possède, et si je n’ai pas satisfaction de vous voir un jour. Vous m’envoyez vos ouvrages ; ils n’on point de prix, et ne mettent aucune borne à ma reconnaissance. Je vous prie, monsieur, de marquer à la divine Émilie toute l’estime que j ai pour elle : je suis pénétré de la façon dont elle a reçu mon petit plénipotentiaire. Vous avez été tous les deux dignes de mon admiration, mais à présent vous m’enlever le cœur.

Si j’étais envieux, je le serais de Césarion. Je supporterais volontiers sa goutte pour avoir vu et entendu ce qu’il vient de voir et d’entendre.

L’antiquité, en nous vantant ces merveilles du monde, nous les représente éloignées les unes des autres. À Cirey, on en trouve deux d’un prix bien supérieur à ces masses de pierre qui, d’elles-mêmes, n’avaient aucune vertu L’esprit mâle et solide d’une femme, et le génie vif et universel, et toutefois réglé, d’un poëte, me paraissent plus merveilleux.

Vous ne me devez aucune reconnaissance de ce que je vous rends justice. Je voudrais, monsieur, pouvoir vous témoigner mon estime par des marques plus réelles que des portraits. Contentez-vous de ces types et attendez-en l’accomplissement. Je suis à jamais, monsieur, votre tres-affectionné ami,

Fédéric

777. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[1].
Ce 14 (septembre 1737).

En réponse aux vôtres du 11 et du 12.

J’ai reçu, mon cher abbé, la rescription de quatre mille livres…

Je vous envoie ma signature pour la pension. Je n’ai jamais cru devoir quinze cents livres à M. du Verney. Je vous prie de dire au commis que M. du Verney m’avança une fois une année de la pension de la reine, dont il a dû se payer par ses mains, puisque j’ai laissé cette année à toucher. Au surplus, faites entendre, je vous prie, qu’on me fera grand plaisir de me laisser jouir de l’argent du Trésor royal, dont j’ai un très-grand besoin, et dont je serai très-obligé.

Je sais si bien que ma délégation de quatre mille livres de

  1. Édition Courtat.