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mais nous n’aurons d’instruments assez fins pour pouvoir séparer la matière jusqu’à ce point. La difficulté est à présent de savoir comment on peut expliquer une chose qui n’a jamais frappé nos sens. Il a fallu nécessairement donner de nouvelles définitions et des définitions différentes de tout ce qui a rapport avec la matière.

M. Wolff, pour arriver à cette définition, nous y prépare par celle qu’il fait de l’espace et de l’etendue. Si je ne me trompe, il s’en explique ainsi :

« L’espace est le vide qui est entre les parties, de façon que tout être qui a des pores occupe toujours un espace entre eux. Or, tous les êtres composés doivent avoir des pores, les uns plus sensibles que les autres, selon leur différente composition : donc tous les êtres composés contiennent un espace. Mais une unité n’ayant point de parties, et par conséquent point d’interstices ou de pores, ne peut point, par conséquent, tenir d’espace. »

Wolff nomme l’étendue la continuité des êtres. Par exemple, une ligne n’est formée que par l’arrangement d’unités qui se touchent les unes les autres, et qui peuvent se suivre en ligne courbe ou droite. Ainsi une ligne a de l’étendue ; mais un être un qui n’est pas continu, ne peut occuper d’étendue. Je le répète encore ; l’étendue n’est, selon Wolff, que la continuité des êtres. Un petit moment d’attention nous fera trouver ces définitions si vraies que vous ne pourrez leur refuser votre approbation. Je ne vous demande qu’un coup d’œil : il vous suffit, monsieur, pour vous élever non-seulement à l’être simple, mais au plus haut degré de connaissance auquel l’esprit humain peut parvenir.

Je viens de voir un homme, à Berlin, avec lequel je me suis bien entretenu de vous. C’est notre ministre Borcke[1], qui est de retour d’Angleterre. Il m’a fort alarmé sur l’état de votre santé : il ne finit point quand il parle des plaisirs que votre conversation lui a causés. L’esprit, dit-il, triomphe des infirmités du corps.

Vous serez servi en philosophe, et par des philosophes, dans la commission dont vous m’avez jugé capable. J’ai tout aussitôt écrit à mon ami[2], en Russie ; il répondra avec exactitude et avec vérité aux points sur lesquels vous souhaitez des éclaircissements. Non content de cette démarche, je viens de déterrer un secrétaire de la cour[3] qui ne fait que revenir de Moscovie, après un séjour de dix-huit ans consécutifs. C’est un homme de très-bon sens, un homme qui a de l’intelligence, et qui est au fait de leur gouvernement ; il est, de plus, véridique. Je l’ai chargé de me répondre sur les mêmes points. Je crains qu’en qualité d’Allemand, il n’abuse du privilège d’être diffus, et qu’au lieu d’un mémoire il ne compose un volume. Dès que je recevrai quelque chose que ce soit sur cette matière, je le ferai partir avec diligence.

Je ne vous demande pour salaire de mes peines qu’un exemplaire de la

  1. Le comte de Borcke, cité plus haut, lettre 709.
  2. Suhm.
  3. M. Jean-Gotthilf Vockerodt.