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C’est là le style de nos beaux esprits savants, qui ne peuvent imiter que des défauts de Voiture et de Fontenelle.

Pareilles impertinences dans le Père Castel, qui, dans un livre de mathématiques[1], pour faire comprendre que le cercle est un composé d’une infinité de lignes droites, introduit un ouvrier faisant un talon de soulier, qui dit qu’un cône n’est qu’un pain de sucre, etc., etc., et que ces notions suffisent pour être bon mathématicien ;

Les cabales et les intrigues pour faire réussir de mauvaises pièces, et pour faire croire qu’elles ont réussi, quand elles ont fait bâiller le peu d’auditeurs qu’elles ont eu ; témoin l’École des amis[2], Childèric[3], et tant d’autres, qu’on ne peut lire ;

Enfin vous ne manquerez pas de matières. Vous aurez toujours de quoi venger et éclairer le public.

Vous faites fort bien, tandis que vous êtes encore jeune, d’enrichir voire mémoire par la connaissance des langues : et, puisque vous faites aux belles-lettres l’honneur de les cultiver, il est bon que vous vous fassiez un fonds d’érudition qui donnera toujours plus de poids à votre gloire et à vos ouvrages. Tout est également frivole en ce monde ; mais il y a des inutilités qui passent pour solides, et ces inutilités-là ne sont pas à négliger. Tôt ou tard vous en recueillerez le fruit, soit que vous restiez dans les pays étrangers, soit que vous rentriez dans votre patrie.

Voici une lettre[4] que j’ai reçue, laquelle doit vous confirmer dans l’idée que vous avez de Rousseau. Adieu ; je vous aime autant qu’il est méprisable. Je vous suis attaché pour toute ma vie.


761. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[5].
23 juin (1737).


En réponse à votre lettre du 19, je vous envoie un petit modèle de lettre, que monsieur votre frère écrira à M. le comte de Goesbriant. J’y joins un modèle pour le prince de Guise, et M. de Lézeau. Vous ferez d’ailleurs, mon cher ami, tout comme il vous plaira avec l’agent de cette honnête banqueroute. Je crois qu’il

  1. Mathématique universelle abrégée, 1728, in-4o. (Cl.)
  2. Comédie en cinq actes, en vers, de La Chaussée, jouée au commencement de 1737.
  3. Childéric, tragédie de Morand, jouée le 19 décembre 1736 ; Pierrode Morand, né en 1701, est mort en 1758.
  4. Celle de Rousset de Missy, du 7 mars 1737 ; voyez n° 699.
  5. Édition Courtat.