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mortels ; en un mot, si je pouvais disposer de ma personne, je me rendrais moi-même à Cirey, pour y raisonner tout mon soûl. Je vous compte à la tête de tous les êtres pensants ; certes le Créateur aurait de la peine à produire un esprit plus sublime que le vôtre,

Génie heureux que la nature
De ses dons combla sans mesure.
Le ciel, jaloux de ses faveurs,
Ne fait que rarement de brillants caractères :
Il pétrit là de ces humains vulgaires,
De ces gens faits pour les grandeurs ;
Mais, Hélas ! dans mille ans qu’on voit peu de Voltaires !

Mon portrait s’achèvera aujourd’hui ; le peintre s’évertue de faire de son mieux. Je vous dois déjà quelques coups de grâce ; mais en conscience j’ai cru devoir vous en avertir. Pourrais-je finir ma lettre sans y insérer un article pour Émilie ? Faites-lui, je vous prie, bien des assurances de ma parfaite estime. Vous devriez bien me faire avoir son portrait, car je n’oserais le lui demander. Si mon corps pouvait voyager comme mes pensées, je vous assurerais de vive voix de la parfaite estime et de la considération avec laquelle je suis, etc.


746. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[1].
Ce 11 mai (1737).

Si vous êtes encore à Paris, mon cher abbé, cette lettre vous y trouvera, et je vous prie de me faire réponse à Mlle d’Azilly, sinon vous aurez la bonté de m’écrire de Rouen.

1o Selon ma façon d’écrire par articles, je vous assure que je suis assez exact à répondre aux teneurs des lettres ; mais il est arrivé que je n’ai reçu que le 11 mai votre lettre du 22 avril, à laquelle je réponds. La raison de cela est que, vous ayant prié d’écrire à Mlle d’Azilly, par Vassy (les lettres venant par Vassy trois fois par semaine), vous avez écrit par Bar-sur-Aube, et la lettre ne m’a été rendue que par hasard. Je vous prie donc dorénavant d’écrire à Mlle d’Azilly, par Vassy : les lettres seront rendues fidèlement et promptement.

Vous joignez à cette lettre du 22 une lettre de 31. de Lézeau. Je suppose que vous le verrez bientôt. Aussi je vous supplie de lui dire, et, si vous ne le voyez pas, de lui écrire, que je me trouve dans un embarras extrême ; qu’il faut que j’emprunte, et qu’ainsi il doit faire de deux choses l’une : ou payer présentement et donner délégation pour l’avenir, ou signer un billet par

  1. Édition Courtat