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Des occupations indispensables, et des circonstances dont je ne suis pas le maître, m’empêchent d’aller moi-même porter à vos pieds ces hommages que je vous dois. Un temps viendra peut-être où je serai plus heureux.

Il paraît que Votre Altesse royale aime tous les genres de littérature. Un grand prince a soin de tous les ordres de l’État : un grand génie aime toutes les sortes d’étude. Je n’ai pu, dans ma petite sphère, que saluer de loin les limites de chaque science ; un peu de métaphysique, un peu d’histoire, quelque peu de physique, quelques vers, ont partagé mon temps : faible dans tous ces genres, je vous offre au moins ce que j’ai.

Si vous voulez, monseigneur, vous amuser de quelques vers, en attendant de la philosophie, carmina possumus donare[1] J’apprends que le sieur Thieriot a l’honneur de faire quelques commissions pour Votre Altesse royale, à Paris, J’espère, monseigneur, que vous en serez très-content. Si vous aviez quelques ordres à donner pour Amsterdam, je serais bien flatté d’être votre Thieriot de Hollande. Heureux qui peut vous servir, plus heureux qui peut approcher de vous.

Si je ne m’intéressais pas au bonheur des hommes, je serais fâché de vous voir destiné à être roi. Je vous voudrais particulier ; je voudrais que mon âme pût approcher en liberté de la vôtre ; mais il faut que mon goût cède au bien public.

Souffrez, monseigneur, qu’en vous je respecte encore plus l’homme que le prince ; souffrez que de toutes vos grandeurs celle de votre âme ait mes premiers hommages ; souffrez que je vous dise encore combien vous me donnez d’admiration et d’espérance, etc.

Je suis, etc.


705. — DE FRÉDÉRIC, PRINCE ROYAL DE PRUSSE.
Berlin, décembre.

Monsieur, je vous avoue que j’ai senti une secrète joie de vous savoir en Hollande, me voyant par là plus à portée de recevoir de vos nouvelles, quoique je craignisse, de la façon dont vous me marquez y être, que quelque fâcheuse raison ne vous eût obligé de quitter la France, et de prendre l’incognito. Soyez sûr, monsieur, que ce secret ne transpirera pas par mon indiscrétion.

La France et l’Angleterre sont les deux seuls États où les arts soient en considération. C’est chez eux que les autres nations doivent s’instruire.

  1. Horace, liv. IV, ode viii, vers 11-12.