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qu’on appelle la Légende ? Grégoire VII n’a rien fait de mieux qu´un opéra. Si, par malheur, le secret de l’Enfant prodigue avait transpiré, jurez toujours que ce n’est pas moi qui en suis l’auteur. Mentir pour son ami est le premier devoir de l’amitié. Voyez surtout de La Roque et Prévost, et récriez-vous sur l’injustice des soupçons. Mme du Châtelet dit qu’il faut appeler l’Enfant prodigue, l’Orphelin.

Ces Mascarades[1] sont de Launai ; mais sa préface ne rendra pas sa pièce meilleure.

Avez-vous lu le Mondain ? Je vous l’enverrai pour entretenir commerce.


661. — À M. LE MARQUIS D’ARGENS[2].
À Cirey, le 18 octobre.

Vos sentiments, monsieur, et votre esprit, m’ont déjà rendu votre ami ; et si, du fond de l’heureuse retraite où je vis, je peux exécuter quelques-uns de vos ordres, soit auprès de MM. de Richelieu et de Vaujour, soit auprès de votre famille, vous pouvez disposer de moi.

Je ne doute pas, monsieur, que, avec l’esprit brillant et philosophe que vous avez, vous ne vous fassiez une grande réputation. Descartes a commencé comme vous par faire quelques campagnes ; il est vrai qu’il quitta la France par un autre motif que vous ; mais enfin, quand il fut en Hollande il en usa comme vous : il écrivit, il philosopha, et il fit l’amour. Je vous souhaite, dans toutes ces occupations, le bonheur dont vous semblez si digne.

Je suis bien curieux de voir l’ouvrage nouveau[3] dont vous me parlez. Je m’informerai s’il n’y a point quelque voiture de Hollande en Lorraine : en ce cas, je vous supplierais de m’adresser l’ouvrage à Nancy, sous le nom de madame la comtesse de

  1. C’est Guyot de Merville qui est auteur des Mascarades amoureuses, comédie en un acte et en vers, jouée sur le théâtre italien, le 4 août 1736, puis imprimée avec une préface à la louange de J.-B. Rousseau, et dans laquelle il attribue à Voltaire la Réponse dont il est question dans la note de la lettre 637.
  2. Jean-Baptiste de Boyer, marquis d’Argens, né en juin 1704, mort en janvier 1774, âgé de soixante-six ans et demi. Voyez la lettre que Voltaire écrivit à la marquise d’Argens, veuve de l’auteur des Lettres juives, le 1er février 1774. Cette marquise était Mme Cauchois, citée plus bas dans la lettre 697. Voltaire, par allusion aux Lettres juives, appelle souvent d’Argens son cher Isaac.
  3. Comme d’Argens, en 1736, n’a pas publié moins de six ouvrages, il m’est impossible de dire quel est celui dont il s’agit ici. (B.)