Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à laisser les choses comme elles étaient. Ainsi, que les croix ne vous épouvantent plus.

Adieu. On ne peut guère écrire moins ; mais le souper, Newton, et Émilie, m’entraînent.


654. — À M. THIERIOT.
Octobre.

Vous aurez incessamment, mon petit Mersenne, votre Descartes et votre Chubb[1]. Il n’y a pas grand’chose à prendre ni dans l’un ni dans l’autre. Chubb dit longuement une petite partie des choses que sait tout honnête homme, et Descartes noie une vérité géométrique dans mille mensonges physiques.

On m’a envoyé les Discours[2] à l’Académie française ; mais je n’ai pas le temps de les lire. J’ai lu le Dissipateur de Destouches. Je ne sais pas pourquoi il parle, dans sa préface, de l’Avare de Molière. Ce petit orgueil-là n’est ni adroit, ni heureux. Je trouve que les comédiens ont très-bien fait de le prier de corriger sa comédie, et lui très-mal de n’en rien faire ; mais je lui pardonne à cause du plaisir que m’a fait son Glorieux. J’ai enfin reçu la Réponse[3] aux trois détestables Épîtres de Rousseau. Cette réponse est quatre fois trop longue. Il y a deux pages admirables ; mais c’est du drap d’or cousu avec des guenilles : l’ouvrage est de La Chaussée ou de Saurin. Il faut être possédé du malin ou imbécile pour me l’attribuer. Comment ! j’y suis loué depuis les pieds jusqu’à la tête, et on ose m’imputer d’en être l’auteur ! Suis-je donc assez fat pour me louer moi-même ? Je vous avoue que je suis bien indigné qu’on ait pu mettre une pareille sottise sur mon compte.

Savez-vous que Rousseau et Desfontaines ont fait imprimer, dans la Bibliothèque française, un libelle contre moi ? Il y a des faits ; il faut répondre ; j’ai répondu. Berger a le manuscrit. Je vous prie de le lui demander, et de le lire. Profond et éternel secret sur ce que vous savez[4]. Tâchez aussi de m’en dire des nouvelles dans l’occasion.

Je n’ai point entendu parler du paquet que vous avez donné pour moi à monsieur votre frère, dont j’enrage.

Adieu, mon cher ami.

  1. Voyez la lettre 637.
  2. Ceux de La Chaussée et de Boyer.
  3. Voyez la note sur la lettre 637.
  4. L’Enfant prodigue.