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Au reste, ma bonté ne m’empêche point du tout de réfuter les calomnies de Rousseau. Ce ne serait plus honte, ce serait sottise.

Il y a une autre vertu dont je crois que j’aurai besoin bientôt : c’est celle de la patience et de la résignation aux jugements de nosseigneurs du parterre[1] ; mais je crois aussi que vous vous souviendrez de la belle vertu du secret. Je vous en remercie déjà, vous, Pollion, et Polymnie[2].

Dites, je vous prie, à cette belle muse combien je m’intéresse à sa santé, et ménagez-moi toujours la bienveillance de votre Parnasse. J’ai lu le Mentor cavalier[3]. Quelle honte et quelle horreur ! Quoi ! cela est imprimé et lu ! M. de La Popelinière ne doit point en être fâché. On y dit de lui qu’il est un sot. C’est dire de Bernard[4] et de Crozat qu’ils sont des gueux,

À propos de Bernard, aurai-je la Claudine du vrai Bernard, du Bernard aimable ?

Voici qui me paraît plaisant. Je voulais vous envoyer la lettre du prince royal de Prusse, et je ne vous envoie que ma réponse : il n’y a qu’Arlequin à qui cela soit arrivé ; mais on copie la lettre du prince, et vous ne pouvez l’avoir cet ordinaire.

Vous aurez la pièce entière de la philosophie émilienne, dont vous avez eu l’échantillon[5]. Je vous embrasse.


653. — À M. BERGER.
Cirey, septembre.

Je vous envoie, mon cher correspondant, un petit ouvrage d’une main respectable. Je vous prierai de le rendre public, en le faisant imprimer incessamment. Vous me ferez un vrai plaisir. Il faut confondre le mauvais goût comme les mauvaises mœurs. Je vous prie surtout de parler au jeune Saurin. Il est bien intéressé à affermir la honte d’un homme[6] dont la réhabilitation ferait la honte du vieux Saurin père, et la perte du fils.

J’ai envoyé à Prault les feuilles en question. Ces croix ne signifient rien : c’étaient des marques que j’avais faites dans le dessein de changer quelques endroits ; mais je me suis déterminé

  1. Allusion à l’Enfant prodigue, joué le 10 octobre suivant.
  2. Mlle  Deshayes ; voyez une note de la lettre 628.
  3. Voyez la note sur la lettre 651.
  4. Samuel Bernard et Antoine Crozat, très-ricbes financiers, morts, le premier en janvier 1739, le second en juin 1738.
  5. Dans la lettre 637.
  6. J.-B. Rousseau.