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devant cet ouvrage, comme de raison ; ensuite je suis venu au fretin. J´ai lu ma Henriade ; j’envoie à Prault un errata.

S´il veut décorer mon maigre poëme de mon maigre visage, il faut qu’il s’adresse à. M l´abbé Moussinot, cloître Saint-Merry. Cet abbé Moussinot est un curieux, et il faut qu’il le soit bien pour qu’il s’avise de me faire graver. Je connaissais la Comtesse des Barres[1]. Il n’y a que le tiers de l’ouvrage, mais ce tiers est conforme à l’original, qu’on me fit lire il y a quelques années.

Le Dissipateur est comme vous le dites ; mais les comédiens ont reçu et joué des pièces fort au-dessous. Ils ont tort de s’être brouillés avec M. Destouches ; ils aiment leur intérêt, et ne l’entendent pas.

Le Mentor cavalier[2] devrait être brûlé, s’il pouvait être lu. Comment peut-on souffrir une aussi calomnieuse, aussi abominable et aussi plate histoire que colle de Mme  la duchesse de Berry ? Je n’ai point encore lu les autres brochures. Est-ce vous, mon cher ami, qui m’envoyez tout cela ? Je suis bien fâché que vous ne puissiez pas venir vous-même.

À l’égard de la Lettre du signor Antonio Cocchi, il la faut imprimer : elle est pleine de choses instructives. Il va autant de courage que de vérité à oser dire que les fictions, dans les poëmes, sont ce qui touche le moins. En effet, le voyage d’Iris et de Mercure, et les assemblées des dieux, seraient bien ignorés sans les amours de Didon ; et Dieu et le diable ne seraient rien sans les amours d’Eve. Puisque M. Cocchi a l’esprit si juste et si hardi, il en faut profiter : c’est toujours une vérité de plus qu’il apprend aux hommes. Il faudra seulement échancrer les louanges dont il m’affuble. Il commence par crier à la première phrase : Il n’y a rien de plus beau que la Henriade. Adoucissons ce terme ; mettons : Il y a peu d’ouvrages plus beaux que, etc. Mais comptez qu’il est bon d’avoir, en fait de poëme épique, le suffrage des Italiens.

Le dévot Rousseau a fait imprimer un libelle diffamatoire contre moi, dans la Bibliothèque française, de concert avec ce malheureux Desfontaines, qui a été mon traducteur, et que j’ai tiré de Bicêtre. Ai-je tort, après cela, de faire des homélies contre l’ingratilude[3] ? J’ai été obligé de répondre et de me justifier, car il s’agit de faits dont j’ai la preuve en main. J’ai envoyé la

  1. Histoire de l’abbé de Choisy.
  2. 1736, in-12, par le marquis d’Argens. Voyez, ci-après, les lettres 652 et 682 ; et encore celle à Thieriot du 9 janvier 1739.
  3. Allusion à l´Ode sur l’ingratitude.