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l’Optique de Newton, de la tradudion de Coste. Ayez Ja bonté de ne pas lui donner un moment de relâche jusqu’à ce qu’il m’ait satisfait. Encore une fois, je vous prie de m’envoyer l´Épîlre et de détromper nos amis.

Nous jouerons Zaire dans quelque temps à Cirey. Il faudra que vous y veniez. J’arrangerai votre voyage. Je vous embrasse.


646. — AUX AUTEURS DE LA BIBLIOTHÈQUE FRANÇAISE[1].
À Cirey, ce 20 septembre 1736.

Messieurs, un homme de bien nommé Rousseau a fait imprimer dans votre journal une longue lettre sur mon compte, où, par bonheur pour moi, il n’y a que des calomnies, et, par malheur pour lui, il n’y a point du tout d’esprit. Ce qui fait que cet ouvrage est si mauvais, c’est, messieurs, qu’il est entièrement de lui : Marot, ni Rabelais, ni d’Ouville, ne lui ont rien fourni ; c’est la seconde fois de sa vie qu’il a eu de l’imagination. Il ne réussit pas quand il invente. Son procès avec M. Saurin aurait dû le rendre plus attentif. Mais on a déjà dit de lui que, quoiqu’il travaille beaucoup ses ouvrages, cependant ce n’est pas encore un auteur assez châtié.

Il a été retranché de la société depuis longtemps, et il travaille tous les jours à se retrancher du nombre des poëtes par ses nouveaux vers. À l’égard des faits qu’il avance contre moi, on sait bien que son témoignage n’est plus recevable nulle part ; à l’égard de ses vers, je souhaite aux honnêtes gens qu´il attaque qu’il continue à écrire de ce style. Il vous a fait, messieurs, un fort insipide roman de la manière dont il dit m’avoir connu. Pour moi, je vais vous en faire une petite histoire très-vraie.

Il commence par dire que des dames de sa connaissance le menèrent un jour au collège des jésuites, où j’étais pensionnaire, et qu’il fut curieux de m’y voir, parce que j’y, avais remporté quelques prix. Mais il aurait dû ajouter qu’il me fit cette visite

  1. Une édition de la Mort de César, intitulée seconde édition, et donnée à Amsterdam en 1736, était terminée par une réimpression de l´Épître sur la Calomnie, et précédée d’une Préface des éditeurs, qu’on peut voir dans le tome III. Un passage de cette préface, supprimé depuis longtemps et qu’il était important de rétablir, fut l’occasion de la Lettre de M. Rousseau à M. ***, datée du 22 mai 1736, et imprimée dans la Bibliothèque française, tome XXIII, pages 138-154. C’est en réponse à cette Lettre, dont il a déjà été question (voyez n° 639), que Voltaire écrivit sa lettre du 20 septembre, qui a été insérée dans la Bibliothèque française, tome XXIV. pages 152-166.