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rien y changer, après que vous aurez dirigé cette édition[1]. Je regarde la peine que vous prenez comme la bordure du tableau et le dernier sceau à la réputation de l’ouvrage, s’il en mérite quelqu’une, Prault n’ira pas plus vite : ainsi je serai toujours à portée de corriger quelques vers, quand vous m’en indiquerez. J’attendais de bonnes remarques de notre ami Thieriot ; mais il est critique paresseux autant que juge éclairé. Réveillez un peu, je vous prie, son amitié et sa critique. Marquez-moi franchement les vers qui vous déplairont, à vous et à vos amis : c’est pour vous autres que j’écris ; c’est à vous que je veux plaire.

Il est vrai que mes occupations me détournent un peu de la poésie. J’étudie la philosophie de Newton. Je compte même faire imprimer bientôt un petit ouvrage[2] qui mettra tout le monde en état d’entendre cette philosophie, dont le monde parle et qui est si peu connue ; mais, dans les intervalles de ce travail, la Henriade aura quelques-uns de mes regards. L’harmonie des vers me délassera de la fatigue des discussions. Rousseau peut écrire contre moi tant qu’il voudra : je suis beaucoup plus sensible aux vérités que j’étudie, et qui me paraissent éternelles, qu’aux calomnies de ce pauvre homme, qui passeront bientôt. Malheur, surtout dans ce siècle, à un versificateur qui n’est que versificateur !

A-t-on imprimé les harangues des nouveaux récipiendaires[3] à l’Académie ? Adieu ; mille compliments à tous nos amis, à ceux qui font des opéras, à ceux qui les aiment. Je vous embrasse.

Si vous voyez M. de Mairan, je vous prie de lui demander si M. Lamare lui a remis une brochure[4] qu’il avait eu la bonté de me confier. C’est un philosophe bien aimable que ce M. de Mairan : il semble qu’il a raison dans tout ce qu’il écrit.

J’ai reçu les lettres que M. Duclos a bien voulu me renvoyer ; je lui écrirai pour le remercier.

  1. Elle parut en 1737, avec une préface de Linant. Thieriot y fut totalement étranger.
  2. Les Éléments de la philosophie de Newton : voyez tome XXII.
  3. Boyer et La Chaussée.
  4. Le Mémoire sur les forces motrices, composé par Dortous de Mairan.