Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/96

Cette page a été validée par deux contributeurs.
78
CORRESPONDANCE.

dinal Dubois est fort raisonnable. Je m’occupe à présent à adoucir dans mon poëme les endroits dont les vérités trop dures révolteraient les examinateurs. Je ferai ce que je pourrai pour avoir le privilège en France ; ainsi vous pouvez répandre qu’il sera imprimé en ce pays-ci, et que les souscripteurs n’ont rien à craindre.

Je vous ai mille obligations des soins que vous prenez pour mes dessins. Si Coypel tarde trop, je crois qu’il serait bon de l’engager à n’entreprendre que deux dessins. Tout est absolument à votre disposition. Je viens de corriger, dans le premier chant, un endroit qui me paraît essentiel. Vous savez que, lorsque Henri IV avait déclaré à Henri III qu’il ne voulait pas aller en Angleterre, Henri III lui répliquait, pour l’y engager. Tout ce dialogue faisait languir la narration. J’ai substitué une image à cette fin de dialogue. J’ai fait apparaître à mon héros son démon tutélaire, que les chrétiens appellent ange gardien. J’en ai fait le portrait le plus brillant et le plus majestueux que j’ai pu ; j’ai expliqué en peu de vers serrés et concis la doctrine des anges que Dieu nous donne pour veiller sur nous : cela est, à mon gré, bien plus épique[1].

Voilà un beau sujet pour la première vignette ; mais je crains bien que ces vignettes ne nous emportent bien du temps. J’ai corrigé encore beaucoup de morceaux dans les autres chants, surtout dans le quatrième. Je m’occupe un peu, dans la solitude, à régler l’auteur et l’ouvrage ; mais je vous assure qu’il n’y aura jamais rien à corriger aux sentiments que j’ai pour vous.



69. — À M. THIERIOT.

À Ussé[2], ce 5 décembre.

En arrivant à Ussé, j’avais la plume à la main pour vous écrire, lorsque dans le moment j’ai reçu votre lettre datée du 3. La conversation de G…, vous a inspiré un esprit de critique que je m’en vais adoucir. Vous saurez que, dans le marché que j’ai fait avec Levier, à la Haye, j’ai stipulé expressément que je me réservais le droit de faire imprimer mon poème partout où je voudrais. Je suis convenu avec lui que, supposé que l’ouvrage pût se débiter en France, je ferais mettre à la tête le nom du libraire de Paris qui le vendrait, avec le nom du libraire de la

  1. Il ne reste rien de ces premières versions.
  2. Château situé au confluent de l’Indre et de la Loire.