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CORRESPONDANCE.

bien vite, et faites un peu venir qui vous savez avec des menottes[1].



60. — À M. THIERIOT.
À Bruxelles, 11 septembre.

Je suis fort étonné de la colère de M. de Richelieu. Je l’estime trop pour croire qu’il puisse vous avoir parlé avec un air de mécontentement, comme si j’avais manqué à ce que je lui dois. Je ne lui dois que de l’amitié, et non pas de l’asservissement ; et, s’il en exigeait, je ne lui devrais plus rien. Je viens de lui écrire ; je ne vous conseille pas de le revoir, si vous vous attendez à recevoir de lui, en mon nom, des reproches qui auraient l’air d’une réprimande qu’il lui siérait très-mal de faire, et à moi de souffrir, d’autant plus que la veille de mon départ je lui écrivais[2] à Versailles, où il était. En voilà assez sur cet article. Je vous prie toujours très-instamment de m’envoyer le poëme de la Grâce[3], et de n’en rien dire à personne. Vous n’avez qu’à adresser le paquet à la Haye, chez Mme  de Rupelmonde ; j’y serai dans trois ou quatre jours.

À l’égard de l’homme aux menottes[4], je compte revenir à Paris dans quinze jours, et aller ensuite à Sully. Comme Sully est à cinq lieues de Gien, je serai là très à portée de faire happer le coquin, et d’en poursuivre la punition moi-même, aidé du secours de mes amis. Je vous avais d’abord prié d’agir pour moi dans cette affaire, parce que je n’espérais pas pouvoir revenir à Paris de quatre mois ; mais mon voyage étant abrégé, il est juste de vous épargner la peine que vous vouliez bien prendre. Vous ne serez pourtant pas quitte de toutes les négociations dont vous étiez chargé pour moi.

Je vous envoie les idées des dessins d’estampes, que j’ai rédigées.

coypel[5],

À la tête du poëme, Henri IV, au naturel, sur un trône de nuages, tenant Louis XV entre ses bras, et lui montrant une

  1. Beauregard, officier français, ayant, dit-on, frappé Voltaire de coups de bâton, sur le pont de Sèvres, était l’objet de poursuites criminelles de la part du poète.
  2. Cette lettre manque.
  3. Par L. Racine, 1722, in-12 : voyez tome XXIII, page 173.
  4. Toujours Beauregard.
  5. Charles-Antoine Coypel, premier peintre du roi par faveur, poète tragique et comique oublié. Mort le 14 juin 1752. C’est lui que Voltaire appelle notre ami Coypel, dans une de ses épigrammes.