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CORRESPONDANCE.

Que dira le Boulainvilliers[1]
Sur ce terrible phénomène ?
Va-t-il à des peuples entiers
Annoncer leur perte prochaine ?
Verrons-nous des incursions,
Des édits, des guerres sanglantes,
Quelques nouvelles actions,
Ou le retranchement des rentes ?
Jadis, quand vous étiez pasteur,
On vous eût vu sur la fougère,
À ce changement de couleur
Du dieu brillant qui nous éclaire,
Annoncer à votre bergère
Quelque changement dans son cœur[2].

Mais à présent, monsieur, que vous êtes devenu philosophe, nous nous flattons que vous voudrez bien nous parler physiquement de tout cela. Vous nous direz si vous croyez que l’astre soit encroûté, comme le prétend Descartes ; et nous vous croirons aveuglément, quoique nous ne soyons pas trop crédules.

  1. Le comte de Boulainvilliers, homme d’une grande érudition, mais qui avait la faiblesse de croire à l’astrologie. Le cardinal de Fleury disait de lui qu’il ne connaissait ni l’avenir, ni le passé, ni le présent. Cependant il a fait de très-belles recherches sur l’histoire de France. (Note de l’édition de 1748.) — Dans les éditions antérieures, elle se composait de partie de la première phrase. Voyez tome XIV, page 45.
  2. La fin de cette lettre se lit ici telle qu’elle a été imprimée en 1726 dans le tome II des Mémoires de Desmolets. Dans l’édition de 1738-39 des OEuvres de
    Voltaire, au lieu de l’alinéa en prose on lit :

    Mais depuis que votre Apollon
    Voulut quitter la bergerie
    Pour Euclide et pour Varignon,
    Et les rubans de Céladon
    Pour l’astrolabe d’Uranie,
    Vous nous parlerez le jargon
    De l’abstraite philosophie,
    De calcul, de réfraction.
    Mais daignez un peu, je vous prie,
    Si vous voulez parler raison,
    Nous l’habiller en poésie ;
    Car sachez que, dans ce canton,
    Un trait d’imagination
    Vaut cent pages d’astronomie.


    Toutefois le vers imprimé en italique a été ajouté par moi, d’après un manuscrit. C’est aussi d’après les Mémoires de Desmolets que j’ai daté cette lettre de juin 1721. Dans toutes les impressions faites du vivant de Voltaire, elle est datée du 1er septembre 1720. (R.)