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ceau très-musical. C’est la louange de la musique ; on y peut fourrer tous ses attributs, tous ses caractères. Le génie de notre Orphée se trouverait au large.

Je ferai de Samson tout ce qu’on voudra ; c’est pour lui (Rameau), c’est pour sa musique mâle et vigoureuse que j’avais pris ce sujet.

Vous faites trop d’honneur à mes paroles de dire qu’il y a trois personnages. Je n’en connais que deux, Samson et Dalila : car pour le roi, je ne le regarde que comme une basse-taille des chœurs. Je voudrais hien que Dalila ne fût point une Armide. Il ne faut point être copiste. Si j’en avais cru mes premières idées, Dalila n’eût été qu’une friponne, une Judith, p… pour la patrie, comme dans la sainte Écriture ; mais autre chose est la Bible, autre chose est le parterre. Je serais encore bien tenté de ne point parler des cheveux plats de Samson. Faisons-le marier dans le temple de Vénus la Sidonienne : de quoi le Dieu des Juifs sera courroucé : et les Philistins le prendront comme un enfant, quand il sera bien épuisé avec la Philistine. Que dit à cela le petit Bernard ? J’ai corrigé et refondu le Temple du Goût et beaucoup de pièces fugitives ; et malgré vos leçons, je suis à la bataille d’Hochstedt. Je passe mes jours dans les douceurs de la société et du travail, et je ne regrette guère que vous. Je voudrais être aussi bien auprès de Pollion que vous auprès d’Émilie.


535. — DE L’ABBÉ DESFONTAINES[1].
17 décembre 1735.

Lorsque nous serons réconciliés, je dirai comme Ménage : « J’ai fait la paix avec le R. P. Bonhours ; c’est un très-bon écrivain. »

J’oubliais de vous dire que vous avez imaginé que nous avons rabaissé la Henriade ; nous n’en avons fait aucune critique ; j’en ai parlé plusieurs fois avec éloge en passant. En vérité, vous êtes bien injuste. Enfin, lorsque j’ai trouvé quelque chose à reprendre dans vos écrits, ma critique a toujours été marquée au coin de l’estime et de l’amitié, et si quelque chose vous a offensé, vous savez que cela a été réparé avantageusement[2].

La Roque, à qui l’on fait grande honte du traité qu’il a inséré dans son journal, n’est excusable que par sa bêtise. Il dit que vous lui avez envoyé,

  1. Revue rétrospective, 1834. Les Détentions de Voltaire.
  2. Les Observations sur les écrits modernes contiennent en effet, tome III, page 81, une lettre de M***, où sont réfutées toutes les critiques de Desfontaines sur la Mort de César.