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parties solides adhérentes les unes aux autres sont séparables, et ces parties adhérentes ensemble, qui composent un tout comme notre globe, ont ensemble la faculté d’attraction, de gravitation ; mais chaque particule solide de cet univers a en soi la même faculté, et un atome gravite vers un atome, comme la Terre, Mars, Jupiter, vers le Soleil leur centre.

La gravitation, le mouvement, appartiennent donc à toute la matière que nous connaissons. Il y a nécessairement des parties solides : donc ce n’est point en tant que divisible que la matière a la propriété de l’attraction ; donc, encore une fois, il y a des principes dans la matière indépendants de la divisibilité ; donc c’est une grande témérité d’assurer que Dieu ne peut joindre la pensée à la matière, sur cette faible et obscure raison que la matière est divisible. Encore une fois, on ne vous dit pas que le Créateur ait donné à la matière la pensée, on ne saurait trop le répéter ; on vous dit seulement que des êtres aussi peu éclairés que nous le sommes doivent être bien retenus quand il s’agit de prononcer ce que l’Être infini et tout-puissant peut faire ou ne peut pas faire.

Vous me dites ensuite que le mouvement, la pesanteur des corps, nous indiquent Dieu, nous conduisent à Dieu ; et ensuite vous parlez de ceux qui doutent de l’existence de Dieu.

On croirait, par ces paroles, que vous-voudriez jeter quelques soupçons de cette horrible et impertinente incrédulité sur Newton et sur Locke, et sur ceux qui ont éclairé leur esprit des lumières de ces grands hommes. Ce n’est pas assurément votre intention : vous avez le cœur trop droit, vous avez un esprit trop juste, pour ne pas reconnaître que toute la philosophie de Newton suppose nécessairement un premier moteur. Vous savez avec quelle supériorité de raison Locke a prouvé avant Clarke l’existence de cet Être suprême. Newton et Locke, ces deux sublimes ouvrages du Créateur, ont été ceux qui ont démontré son existence avec le plus de force ; et les hommes, en cela comme dans tout le reste, doivent faire gloire d’être leurs disciples.

Je ne sais pas, en vérité, à propos de quoi vous parlez de libertinage, de passions et de désordres, quand il s’agit d’une question philosophique de Locke, dans laquelle son profond respect pour la Divinité lui fait dire simplement qu’il n’en sait pas assez pour oser borner la puissance de l’Être suprême.

Il était bien loin, ce grand homme, d’être courbé vers la terre, et d’être plongé dans les voluptés, lui qui a passé sa vie, non-seulement à éclairer l’entendement des hommes, mais à