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l’historien. La poésie et la philosophie m’amusent dans les intervalles. J’ai corrigé cette Mort de Jules César, et j’aurais grande envie que vous la vissiez. J’ai la vanité de penser que vous y trouveriez quelques vers tels qu’on en faisait il y a soixante ans.

Souvenez-vous, si vous rencontrez en chemin quelque bonne anecdote sur l’histoire des arts, de m’en faire part. Tout ce qui peut caractériser le siècle de Louis XIV est de mon ressort, et est digne de votre attention.

Qu’est-ce que c’est qu’un nouveau Portrait de moi, qui paraît[1] ? Tout le monde attribue le premier au jeune comte de Charost. J’ai bien de la peine à croire qu’un jeune seigneur, qui ne m’a jamais vu, ait pu faire cette satire ; mais le nom de M. de Charost, qu’on met à la tête de ce petit écrit, me confirme dans le soupçon où j’étais que l’ouvrage est d’un jeune abbé de Lamare, qui doit entrer auprès de M. de Charost. C’est un jeune poète fort vif et peu sage. Je lui ai fait tous les plaisirs qui ont dépendu de moi ; je l’ai reçu de mon mieux, et j’avais même chargé Demoulin de lui donner des secours essentiels. Si c’est lui qui m’a déchiré, il doit être au rang des gens de lettres ingrats. On n’en trouve que trop de cette espèce, qui déshonore la littérature et l’esprit ; mais je suspends mon jugement, parce qu’il ne faut accuser personne sans être sûr de son fait ; et, d’ailleurs, dans la félicité dont je jouis, mon premier plaisir est d’oublier les injures.

Mandez-moi des nouvelles, mon cher ami, s’il y en a qui valent la peine d’être sues. Le ballet[2] de Rameau se joue-t-il ? La Sallé y danse-t-elle ? Y a-t-il à Paris de nouveaux plaisirs ? Mais surtout comment va votre santé ?


497. — Á M. L’ABBÉ D’OLIVET.
À Cirey, par Vassy en Champagne, le 24 août.

Mon cher abbé, savez-vous que je me reproche bien d’avoir passé une partie de ma vie sans profiter de votre aimable commerce ? Vous êtes l’homme du monde que je devrais voir le plus, et que j’ai le moins vu. Je vous réponds bien que, si jamais je quitte la retraite heureuse où je suis, ce sera pour faire un meilleur usage de mon temps. J’aime la saine antiquité, je dévore ce

  1. Voyez une note de la lettre 489.
  2. Les Indes galantes, ballet héroïque, paroles de Fuzelier, musique de Rameau, joué le 23 août 1735.