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J’en ai fait une[1] aussi, moi qui vous parle, et je ne vous l’envoie point parce que je pense de mon ouvrage comme de celui de Linant ; je ne crois point qu’il soit fait. Je ne veux donner cette pièce qu’après un long et rigoureux examen. Je la laisse reposer longtemps, pour la voir avec des yeux désintéressés, et pour la corriger avec la sévérité d’un critique qui n’a plus la faiblesse de père.

Jeanne, la Pucelle, a déjà neuf chants ; c’est un amusement pour les entr’actes des occupations plus sérieuses.

La métaphysique, un peu de géométrie et de physique, ont aussi leurs temps réglés chez moi ; mais je les cultive sans aucune vue marquée, et par conséquent avec assez d’indifférence. Mon principal emploi à présent est ce Siècle de Louis XIV, dont je vous ai parlé il y a quelques années. C’est la sultane favorite ; les autres études sont des passades. J’ai apporté avec moi beaucoup de matériaux, et j’ai déjà commencé l’édifice ; mais il ne sera achevé de longtemps. C’est l’ouvrage de toute ma vie.

Voilà, mon cher ami, un compte exact de ma conduite et de mes desseins. Je suis tranquille, heureux, et occupé ; mais vous manquez à mon bonheur. Grand merci de l’épithalame[2] que je n’avais point ; mais vous en aviez une bien mauvaise copie.

Je vous souhaite un vrai bonheur,
Mais c’est une chose impossible.

Il y a :

Mais voilà la chose impossible.

Cela est bien différent, à mon gré.

Adieu ; ne vous point aimer, voila la chose impossible.


488. — Á M. L’ABBÉ D’OLIVET.
À Vassy, en Champagne.

Mon ancien maître, qui l’êtes toujours comme vous savez, et que j’aime comme si vous n’étiez pas mon maître, sachez que, si j’étais resté à Paris, je vous aurais vu très-souvent, et que, puisque je me suis confiné à la campagne, il faut que je sois

  1. Alzire.
  2. Pour le mariage du duc de Richelieu avec Mlle de Guise ; voyez tome X, page 289.