Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/474

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Votre esprit ferme et vigoureux
Ne connaît point la décadence.
Vous n’êtes point tel que Rousseau
Dont l’ennuyeuse hypocrisie
Change son or en oripeau,
Et ses chansons en homélie.
Vos vers sont dignes des premiers
Que votre beau printemps fit naître ;
Vous fûtes, vous serez mon maître.
Vivez, rimez ; puissiez-vous être
Immortel comme vos lauriers !

Voilà, monsieur, une partie des choses que je pense de vous. Je respecterai, j’aimerai en vous, toute ma vie, le véritable philosophe qui a quitté la cour depuis longtemps, qui vit pour soi, pour sa famille, et pour ses amis ; l’homme de lettres et de génie qui n’est point de l’Académie, qui aime les arts pour eux-mêmes, qui a toujours écouté ses goûts, et jamais la vanité ; l’ami dont la société est toujours égale, qui n’exige rien, et qu’on retrouve toujours. Malgré mon éloignement, malgré mon silence, comptez, monsieur, que je suis tendrement attaché à toute votre famille, et que, si jamais je quittais l’heureuse solitude que j’habite, pour le tumulte de Paris, je ne pourrais m’en consoler qu’en venant chercher la solitude auprès de vous.

Recevez, monsieur, aussi bien que Mme  d’Ussé et monsieur votre fils, les assurances de mon tendre et respectueux dévouement.


442. — À MADAME DE CHAMPBONIN.
De Cirey.

Ma charmante Champenoise, il y a un lutin qui nous sépare. Je suis persuadé que vous serez bien fâchée de ne point voir arriver cette personne adorable que vous aimez tant, et que je devais avoir l’honneur d’accompagner. Consolez-vous ; n’y comptez plus. Elle est comme l’Amour, qui ne vient pas quand on veut. D’ailleurs, elle n’aurait pu vous enlever pour vous emmener à Cirey, parce que, autre chose est d’avoir de la laine cardée, et autre chose est d’avoir des tours de lit. Cirey n’est point encore en état de recevoir personne. Tout ce qui m’étonne, c’est que la dame du lieu puisse l’habiter. Elle y a été, jusqu’à présent, par le goût de bâtir ; elle y reste, aujourd’hui, par nécessité. Elle souffre beaucoup des dents, et encore plus de votre absence. C’est un sentiment que je partage avec elle. Vous savez combien elle