Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/445

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On dit qu’il faut que je me rétracte ; très-volontiers : je déclarerai que Pascal a toujours raison ; que fatal laurier, bel astre, sont de la belle poésie ; que si saint Luc et saint Marc se contredisent, c’est une preuve de la vérité de la religion à ceux qui savent bien prendre les choses ; qu’une des belles preuves encore de la religion, c’est qu’elle est inintelligible. J’avouerai que tous les prêtres sont doux et désintéressés ; que les jésuites sont d’honnêtes gens ; que les moines ne sont ni orgueilleux, ni intrigants, ni puants ; que la sainte Inquisition est le triomphe de l’humanité et de la tolérance ; enfin, je dirai tout ce qu’on voudra, pourvu qu’on me laisse en repos, et qu’on ne s’acharne point à persécuter un homme qui n’a jamais fait de mal à personne, qui vit dans la retraite, et qui ne connaissait d’autre ambition que celle de vous faire sa cour.

Il est très-certain, de plus, que l’édition est faite malgré moi, qu’on y a ajouté beaucoup de choses, et que j’ai fait humainement ce que j’ai pu pour en découvrir l’auteur.

Permettez-moi, madame, de vous renouveler ma reconnaissance et mes prières. La grâce que je demande au ministre, c’est qu’il ne me prive pas de l’honneur de vous voir ; c’est une grâce pour laquelle on ne saurait trop importuner.

J’ai l’honneur d’être, avec un profond respect.

Voltaire.

M’est-il permis de saluer M. le duc d’Aiguillon, de lui présenter mon respect, de le remercier, et de l’exhorter à lire les Lettres philosophiques sans scandale ? Elles sont imprimées à faire peur, et remplies de fautes absurdes : c’est là ce qui me désespère.


411. — Á MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT.
À Bâle, le 23 mai.

Vraiment, madame, quand j’eus l’honneur de vous écrire et de vous prier d’engager vos amis à parler à M. de Maurepas, ce n’était pas de peur qu’il me fît du mal : c’était afin qu’il me fît du bien. Je le priais comme mon bon ange ; mais mon mauvais ange, par malheur, est beaucoup plus puissant que lui. N’admirez-vous pas, madame, tous les beaux discours qu’on tient à l’égard de ces scandaleuses Lettres ? Mme la duchesse du Maine est-elle bien fâchée que j’aie mis Newton au-dessus de Descartes ? et comment Mme la duchesse de Villars[1], qui aime tant les idées

  1. La maréchale, devenue veuve quelques semaines plus tard.