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Je vous plains bien de n’avoir pas encore de bonnes lettres de vétérance, et de n’avoir pas vendu votre robe, et de n’être pas à Paris. La dernière lettre que je vous écrivis était toute faite pour un homme comme vous, qui se lève à quatre heures du matin pour les affaires des autres. Je ne vous y parlais que d’affaires et de précautions à prendre.

Si Jore vient chez vous, recommandez-lui bien de faire tout ce que je propose, attendu que c’est pour son bien. Ordonnez-lui de vous remettre tout généralement ce qui sera de mon écriture, lettres, épreuves, etc.

Avez-vous entendu parler d’une nouvelle brochure périodique<reff>Le Pour et Contre, ouvrage périodique d’un goût nouveau (par l’abbé Prévost), qui parut de 1733 à 1740, et dont la collection forme vingt volumes in-12.</ref> que l’abbé Desfontaines donne sous le nom de l’auteur des Mémoires d’un, homme de qualité ? Il y dit du mal de Zaïre. Il a cru qu’il lui était permis de me maltraiter, et d’en user avec moi avec un peu d’ingratitude, en ne donnant pas les choses sous son nom. Je suis fâché qu’un homme qui m’a tant d’obligations me convainque tous les jours que j’ai eu tort de le servir et de l’aimer. J’espère que le petit Linant, qui m’est bien moins obligé, sera plus reconnaissant, et que nous en ferons un très-honnête homme. Il lui manque des agréments, de la vivacité, et de la lecture ; mais tout cela peut s’acquérir par l’usage. Il a tout le reste, qui ne s’acquiert point, jugement, esprit, et talent. Mais il y a encore bien loin de tout ce qu’il a à une bonne tragédie. Je me flatte que ce sera un excellent fruit qui mûrira à la longue.

Adieu ; je vous embrasse ; la poste va partir.


345. — Ā M. DE CIDEVILLE.
Ce vendredi, 3 juillet.

Je vous donne, mon cher ami, plus de soins que les plaideurs dont vous rapportez les affaires, et je me flatte que vous avez égard à mon bon droit contre M. Pascal. J’examine scrupuleusement mes petites Remarques, lorsque je relis les épreuves, et je me confirme de plus en plus dans l’opinion que les plus grands hommes sont aussi sujets à se tromper que les plus bornés. Je pense qu’il en est de la force de l’esprit comme de celle du corps ; les plus robustes la perdent quelquefois, et les hommes les plus faibles donnent la main aux plus forts quand ceux-ci sont malades. Voilà pourquoi j’ose attaquer Pascal,