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Le petit abbé Linant va faire une tragédie : je l’y ai encouragé. C’est envoyer un homme à la tranchée ; mais c’est un cadet qui a besoin de faire fortune, et de tout risquer pour cela. M. de Nesle m’avait promis de le prendre ; mais il ne lui donne encore qu’à dîner. La première année sera peut-être rude à passer pour ce pauvre Linant. Heureusement il me paraît sage et d’une vertu douce. Avec cela il est impossible qu’il ne perce pas à la longue. Adieu. Quand reviendrai-je à Rouen, et quand reviendrez-vous à Paris ?


273. — Á M. DE CIDEVILLE.
Ce 3 août 1732.

Mon cher Cideville, votre ami M. de Lézeau part avec Zaïre et Ériphyle ; il n’a qu’un moment ni moi non plus ; je vous demande en grâce, tandis que M. de Formont lira une des deux pièces, de lire l’autre, et de me les renvoyer toutes deux dans un paquet, par le coche, dès que vous les aurez lues. Je soupçonne M. de Tressan d’être avec vous ; mais je vous prie de ne pas me renvoyer le paquet moins vite. J’ai bien peur que vous n’ayez pas le plaisir de là nouveauté, à la lecture de Zaïre : vous savez déjà de quoi il est question ; peut-être Ériphyle vous paraîtra-t-elle plus nouvelle par les changements. Mandez-moi, je vous en prie, ce que vous pensez de tout cela, et à qui vous donnez la préférence des païens, des Turcs, et des chrétiens. J’oubliais de vous dire que j’ai lu quatre actes de Zaïre à Mme de La Rivaudaie, et que ses beaux yeux ont pleuré ; après son suffrage il n’y a que le vôtre et celui de M. de Formont qui puissent me donner de la vanité. Adieu ; je vous embrasse bien tendrement. Mille compliments à M. du Bourg-Theroulde. Si vous voulez qu’il lise la pièce, j’en serai charmé ; mais renvoyez-moi cela au plus vite. V.


274. — Á M. LE COMTE DE TRESSAN[1].
Le 3 août.

Tressan, l’un des grands favoris
Du dieu qui fait qu’on est aimable,
Du fond du jardin de Cypris,
Sans peine, et par la main des Ris,
Vous cueillez ce laurier durable
Qu’à peine un auleur misérable,

  1. Louis-Élisabeth de La Vergne, comte de Tressan, né en 1705, traducteur de l’Arioste, etc., reçu à l’Académie française en 1781, mort en 1785.