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ANNÉE 1730.



202. — À M. THIERIOT.
à londres.

Novembre 1730.

… Lectori me credere malim,
Quam spectatoris fastidia ferre superbi.

(Hor., lib. II, épist. i, v. 214.)

Je vous envoie la Henriade, mon cher ami, avec plus de confiance que je ne vais donner Brutus[1]. Je suis bien malade ; je crois que c’est de peur.

Je vous envoie aussi une cargaison de lettres, dont je prie Mlle  Sallé[2] de vouloir bien se charger. Toutes les autres qu’elle a eues sont des lettres de recommandation ; mais pour moi, je la prie de me recommander, et je n’ai point trouvé de meilleur expédient, pour faire ressouvenir les Anglais de moi, que de supplier Mlle  Sallé de leur rendre mes lettres. Je vous prie cependant de lui dire qu’elle ne manque pas de voir M. Gay[3], dont M. Kich lui apprendra sans doute la demeure. Il faut que M. Gay la présente à la duchesse de Queensbury, qui est sans contredit la personne de Londres la plus capable de lui ameuter une faction considérable. Mme  la duchesse de Queensbury n’est pas trop bien à la cour ; mais Mlle  Sallé est faite pour réunir tous les partis. Mme  de Bolingbroke pourrait aussi la servir vivement, et

    nant la permission de vous faire un meilleur présent. M. Thieriot, qui vous remettra celle-ci, est un de mes amis qui voyage pour son plaisir, et apprend l’anglais pour son instruction. Je lui ai si souvent parlé de toutes les faveurs dont vous m’avez honoré que je n’ai pu résister à l’envie de le charger des remerciements que je vous dois pour toutes vos bontés. Je ne laisserai jamais échapper l’occasion de vous témoigner ma reconnaissance, ainsi qu’à toute l’Angleterre, et je ne puis mieux prouver mon affection pour votre pays qu’en procurant à mon ami l’honneur de faire votre connaissance : car les voyageurs jugent d’un pays par les hommes qu’ils y ont vus ; et d’après la haute estime que je professe pour la nation anglaise, il est facile de s’apercevoir que j’ai eu l’honneur de jouir de la conversation de M. Dodington.

    Je suis avec respect et reconnaissance, monsieur, votre très-humble, obéissant et fidèle serviteur,

    Voltaire.

  1. Voyez tome II, page 299.
  2. Danseuse de l’Opéra, dont Thieriot était amoureux, et contre laquelle il finit par colporter des vers satiriques. (Cl.)
  3. Fabuliste anglais. Il allait tous les soirs, avec Pope et Swift, chez la duchesse de Queensbury, femme d’une beauté remarquable, dont l’hôtel était à Londres le centre des whigs courtisans, du monde élégant et des beaux esprits.