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CORRESPONDANCE.

et le mien. Souvenez-vous de faire un beau discours éloquent, où ces messieurs entendront peu de chose. En attendant, ne pourrait-on vous voir ?



158. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES[1].

1726.

J’ai été à l’extrémité ; je n’attends que ma Convalescence pour abandonner à jamais ce pays-ci[2]. Souvenez-vous de l’amitié tendre que vous avez eue pour moi ; au nom de cette amitié, informez-moi par un mot de votre main de ce qui se passe, ou parlez à l’homme que je vous envoie, en qui vous pouvez prendre une entière confiance. Présentez mes respects à Mme du Deffant ; dites à Thieriot que je veux absolument qu’il m’aime, ou quand je serai mort, ou quand je serai heureux ; jusque-là, je lui pardonne son indifférence. Dites à M. le chevalier des Alleurs que je n’oublierai jamais la générosité de ses procédés pour moi. Comptez que tout détrompé que je suis de la vanité des amitiés humaines[3], la vôtre me sera à jamais précieuse. Je ne souhaite de revenir à Paris que pour vous voir, vous embrasser encore une fois, et vous faire voir ma Constance dans mon amitié et dans mes malheurs.



159. — AU MINISTRE DU DÉPARTEMENT DE PARIS[4].

Le sieur de Voltaire remontre très-humblement qu’il a été assassiné par le brave chevalier de Rohan, assisté de six coupe-jarrets, derrière lesquels il était hardiment posté ; qu’il a toujours cherché, depuis ce temps-là, à réparer, non son honneur, mais celui du chevalier, ce qui était trop difficile. S’il est venu de Versailles, il est très-faux qu’il ait été demander ni qu’il ait fait demander le chevalier de Rohan-Chabot chez M. le cardinal de Rohan.

Il lui est très-aisé de prouver le contraire, et il consent de rester toute sa vie à la Bastille s’il en impose. Il demande la permission de manger avec M. le gouverneur de la Bastille et de voir

  1. Éditeurs, de Cayrol et François. — Il est à croire que cette lettre fut écrite après l’affaire de Voltaire avec le chevalier de Rohan-Chabot. Voyez, tome Ier, sur cette affaire, la Vie de Voltaire par Condorcet.
  2. Sans doute la cour.
  3. Allusion à la conduite du duc de Sully.
  4. Envoyé (du 18 au 28 avril) de la Bastille même, où Voltaire avait été mis le 17 avril 1726.