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ANNÉE 1725.

vu votre dernier journal[1]. Je vous suis presque également obligé pour Mariamne et pour le Héros de Gratien[2]. Je suis fâché que vous soyez brouillé avec les révérends pères ; mais, puisque vous l’êtes il n’est pas mal de s’en faire craindre. Peut-être voudront-ils vous apaiser, et vous feront-ils avoir un bénéfice par le premier traité de paix qu’ils feront avec vous. Je ne sais aucune nouvelle de M. l’abbé Bignon. Je serais bien fâché de sa maladie, s’il vous avait fait du bien.

Le pauvre Saint-Didier est venu à Fontainebleau avec Clovis, et tous deux ont été bien bafoués. Il sollicita M. de Mortemart, et l’importuna pour avoir une pension. M. de Mortemart lui répondit que quand on faisait des vers, il les fallait faire comme moi. Je suis fâché de la réponse. Saint-Didier ne me pardonnera point cette injustice de M. de Mortemart. Il y a ici des injustices plus véritables qui me font saigner le cœur. Je ne peux pas m’accoutumer à voir l’abbé Raguet[3] dans l’opulence et dans la faveur, tandis que vous êtes négligé. Cependant n’aimez-vous pas encore mieux être l’abbé Desfontaines que l’abbé Raguet ?

Je présente mes respects au maître de la maison, à M. l’abbé d’Amfreville, à tutti quanti qui ont le bonheur d’être à la Rivière.

Buvez tous à ma santé : et vous, madame la présidente, soyez bien sobre, je vous en prie.



157. — À M. POTET[4].

Que vous êtes heureux, mon cher Potet ! Vous comparaîtrez lundi, à dix heures, devant les juges consuls de la bonne ville de Paris, à la requête de dame Pissat, qui a déclaré devant les juges que vous êtes mon ami. Je ne crois pas que votre témoignage la désavoue en cela. Elle prétend de plus que vous êtes témoin qu’elle ne me doit rien ; vous rendrez donc gloire à la vérité devant Dieu, Chauvin et Thieriot, votre frère, votre juge

  1. De 1725 à 1727, Desfontaines a travaillé au Journal des Savants.
  2. Balthasar Gracian, jésuite espagnol désigné aussi sous le nom de Gratian, Gratien, ou Gracien, publia à Huesca, en 1037, sous le nom de son frère Laurent, l’ouvrage intitulé el Heroe, de Lorenço Gracian infanzon. Le Héros a été traduit en français par le P. Courbeville, et cette traduction ayant paru en 1725, c’est à elle que Voltaire doit faire allusion. (Cl.)
  3. Gilles-Bernard Raguet, protégé par Fleury, avait obtenu plusieurs bénéfices. Il fut directeur spirituel de la compagnie des Indes, et mourut âgé de quatre-vingt-un ans, en 1748. (Cl.)
  4. Éditeurs, de Cayrol et François.