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ANNÉE 1725.

seconde fois, avec Mme  de Prie. Ce sera dans ce temps-là, à peu près, que mes affaires seront finies ou manquées. Je ne vous promets plus de venir à la Rivière ; mais seriez-vous bien étonnée si vous m’y voyiez arriver les premiers jours de novembre ? Je vous jure que je n’ai jamais eu plus envie de vous voir. Je songe à vous au milieu des occupations, des inquiétudes, des craintes, des espérances, qui agitent tout le monde en ce pays-ci ; mais vous m’oubliez dans votre oisiveté ; vous avez raison : quand on est avec Mme  du Deffant et M. l’abbé d’Amfreville, il n’y a personne qu’on ne puisse oublier. Je les assure de mes très-humbles respects, aussi bien que le maître de la maison. Adieu, ma chère reine ; comptez sur ma respectueuse et tendre amitié pour toute ma vie.



154. — À M. THIERIOT.

À Fontainebleau, ce 17 octobre.

Je mérite encore mieux vos critiques que Mariamne, mon cher Thieriot. Un homme qui reste à la cour, au lieu de vivre avec vous, est le plus condamnable des humains, ou plutôt le plus à plaindre. J’ai eu la sottise d’abandonner mes talents et mes amis pour des fumées de cour, pour des espérances imaginaires. Je viens d’écrire sur cela une longue jérémiade à Mme  de Bernières. Vous auriez bien dû ne pas attendre si tard à m’informer des nouvelles de sa santé. Réparez cela en m’écrivant souvent, et, surtout, en l’empêchant de manger trop.

En vérité, mon cher Thieriot, si Mme  de Bernières veut garder un régime exact, je suis sûr qu’elle se portera à merveille. Mettez-lui bien cela dans la tête, et qu’elle renonce à la gourmandise et à la médecine. J’ai déjà abandonné tout à fait la dernière, et m’en trouve bien. Si je puis prendre sur moi de me passer de tourtes et de sucreries, comme je me passe de Gervasi, d’Helvétius et de Silva, je serai aussi gras et aussi cochon que vous incessamment.

J’ai vu ici un moment le chevalier des Alleurs, qui vint monter sa garde, et qui s’enfuit bien vite après. Je ne me portais pas trop bien dans ce temps : à peine eus-je le temps de lui demander des nouvelles de la Rivière ; il m’échappa comme un éclair. Mandez-moi s’il est encore avec vous autres, et s’il jouit de la béatitude tranquille où vous êtes depuis trois mois.

J’ai été ici très-bien reçu de la reine. Elle a pleuré à Mariamne, elle a ri à l’Indiscret ; elle me parle souvent : elle m’appelle mon