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CORRESPONDANCE.

revenir pour tenir le biribi. La reine d’Espagne et Mme de Beaujolais arrivèrent avant-hier[1]. La reine d’Espagne vit à Vincennes à l’espagnole, et Mme de Beaujolais vivra au Palais-Royal à la française, et peut-être à la d’Orléans. Les dames du palais partent le 18. Voilà les nouvelles publiques. Les particulières sont que Mme d’Egmont partage avec Mme de Prie les faveurs du premier ministre, sans partager le ministère. On dit aussi que vous n’avez plus d’amitié pour moi, mais je n’en crois rien. Je me soucie très-peu du reste. Je vous aime de tout mon cœur, et vous prie instamment de m’écrire souvent. Mandez-moi si vous vous portez bien, si la boule de fer vous fait digérer, si vous devenez bien savante ; pour moi, j’ai presque fini mon poème[2] ; j’ai achevé la comédie de l’Indiscret ; je n’ai plus d’autre affaire que celle de mon plaisir, et, par conséquent, je serais à la Rivière si vous étiez encore pour moi ce que vous avez été.



146. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES.

Paris, ce 23 juillet.

Depuis que je ne vous ai écrit, une foule d’affaires m’est survenue. La moindre est le procès que je renouvelle contre le testament de mon père. Les peines que je me donne tous les jours m’ont bientôt ôté le peu de santé que l’espérance de vous voir m’avait rendu. Je mène ici une vie de damné, tandis que Thieriot et vous vous avez l’air d’être dans les limbes, à votre campagne. Il n’y a plus d’apparence que je revoie la Rivière-Bourdet. Voilà qui est fait ; il n’y a point de repos pour moi jusqu’à l’impression de Henri IV. Je ne vous dirai point combien la situation où je me trouve est douloureuse. Vous n’êtes pas assez fâchée de vivre sans moi pour que je vous montre toute mon affliction. Je vous prie seulement de me rendre un petit service dans votre ville de Rouen. Un de vos coquins d’imprimeurs a imprimé, depuis peu, Mariamne ; j’en ai un exemplaire entre les mains. Si, par le moyen de M. Thieriot, je pouvais savoir quel est l’imprimeur qui m’a joué ce tour, j’en ferais incessamment saisir les exemplaires. Il peut mieux que personne être informé de cela. Je ne lui écris point pour l’en prier, car je compte que c’est tout un d’écrire à vous ou à lui ; et d’ailleurs, en vérité, je n’ai pas un moment de temps. Qu’il me pardonne donc ma négligence, et

  1. Le 30 juin. (B.)
  2. La Henriade.