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Vers 26. C’est lui qui me rendra l’honneur presque perdu.

Ce presque perdu affaiblit encore la narration. Le spectateur s’embarrasse trop peu qu’un personnage aussi subalterne qu’Exupère ail presque perdu son honneur.

Vers 35. Quel chemin Exupère a pris pour sa ruine.

Prendre un chemin pour une ruine est une expression vicieuse, un barbarisme; et cette réflexion de Pulchérie est trop froide, quand elle apprend la mort de son tyran.

SCENE VIII ET DERNIÈRE.

Vers 3. Seigneur, un tel succès à peine est concevable.

Léontine a très-grande raison de concevoir à peine une chose qui n’est nullement vraisemblable. Elle dit que la conduite de ce dessein est admirable; mais c’était à elle à conduire ce dessein, puisqu’elle avait tant promis de tout faire. C’est une subalterne qui a voulu jouer un rôle principal, et qui ne l’a pas joué; il se trouve qu’elle ne fait autre chose, dans les premiers actes et dans le dernier, que de montrer des billets; elle a été, aussi bien que Phocas, la dupe d’un autre subalterne. Héraclius, Martian, Pulchérie, Eudoxe, n’ont contribué en rien ni au nœud ni au dénoûment; la tragédie a été une méprise continuelle, et enfin Exupère a tout fait par une espèce de prodige. Remarquez encore que cette mort de Phocas n’est là qu’un événement inattendu, qui ne dépend point du tout du fond du sujet, qui n’y est point contenu, qui n’est point tiré, comme on dit, des entrailles de la pièce : autant vaudrait que Phocas mourût d’apoplexie. Du moins Calderon but mourir Phocas en combattant contre Héraclius.

Vers 5. Perfide généreux, hâte-toi, etc.

Une nuée de critiques s’est élevée contre Lamotte pour avoir affecté de joindre ainsi des épithètes qui semblent incompatibles. On ne s’avise pas de reprendre le perfide généreux de Corneille. Quand un homme a établi sa réputation par des morceaux sublimes, et qu’un siècle entier a mis le sceau à sa gloire, on approuve en lui ce qu’on censure dans un contemporain. C’est ce qu’on voit en Angleterre, où l’on élève Shakespeare au-dessus de Corneille, et où l’on siffle ceux qui l’imitent 1 . J’avoue que je

1. Ceci est un trait à l’adresse des shakespeariens de France. (G. A.)