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SUPPLÉMENT AUX ŒUVRES I<N PROSE.

C'est une chose bien étrange cl bien déshonorante pour les belles- Lettres que cet esprit de fureur et de

bassesse où s'emportent des auteurs ignorés, quand ils osent être jaloux. On a imprimé un livre de Hforbii artificum, des maladies des artistes. Celle-là esl la plus honteuse et la plus incurable. Croirait-on qu'un do ces auteurs m'écrivit un jour : a Mon- sieur, voici un livrequej'ai fait con- tre vous: je suis dans la misère; si vous voulez m'envoyer cent écus, je vous remettrai tous les exemplaires. » J'ai rencontré depuis cet homme dans Paris, et j'ai caché sa honte; un autre vint m'emprunter de l'argent dont il se servit sur-le-champ pour impri- mer à ses frais une brochure dans laquelle il me déchirait; un autre, en me louant et en m'embrassant, fai- sait contre moi une satire person- nelle, sous le titre de comédie ita- lienne, dans laquelle un des hommes les plus respectables de l'Europe (au- jourd'hui ministre public) fut joué en son propre nom, parce qu'il était mon ami. En vérité, le stylet et le poison des meurtriers mercenaires a-t-il rien de plus criminel et de plus lâche 1 ?

Ce sont ces mains obscures qui me lancent des traits publics; ce sont elles qui impriment, tantôt que je suis riche et très-avare, tantôt que je compose pour vivre. Ce sont ces auteurs qui débitent que j'ai trompé non-seulement mes libraires, mais les particuliers qui ont souscrit pour la Henriade; on me traite dans ces

��1. L'auteur désigne probablement Riceoboni, auteur d'une parodie de Zone, dans laquelle était insulté M. Falkener, à qui cette tragédie est dédiée, et qui fut depuis ambassadeur d'Angleterre à Constantinople. Les parodies étaient alors un moyen tort usité de diffamer les gens de mérite. M. de Voltaire méprisait ces écrivains satiriques, et dédaignait de s'en venger. {Note du premier éditeur.)

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