Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome32.djvu/379

Cette page n’a pas encore été corrigée

REMARQUES SUR LA VIE DE I\ CORNEILLE. 369

Heures à celles de son temps, et dans lesquelles il y a des mor- ceaux supérieurs à tous ceux du théâtre d'Athènes.

Le théâtre devint florissant par la faveur du cardinal de Richelieu.

Malgré le cardinal de Richelieu, qui, voulant être poëtc, voulut humilier Corneille et élever les mauvais auteurs.

Les princes et les ministres n'ont qu'à commander qu'il se forme des poètes, des peintres, tout ce qu'ils voudront, et il s'en forme.

C'est de quoi je doute beaucoup. Notre meilleur peintre, Le Poussin, fut persécuté, et les bienfaits prodigués aux académies ont fait tout au plus un ou deux bons peintres qui avaient déjà donné leurs chefs-d'œuvre avant d'être récompensés. Rameau avait fait tous ses bons ouvrages de musique au milieu des plus grandes traverses, et Corneille lui-même fut très-peu encouragé. Homère vécut errant et pauvre. Le Tasse fut le plus malheureux des hommes de son temps. Camoëns et Milton furent plus malheureux encore. Chapelain fut récompensé; et je ne connais aucun homme de génie qui n'ait été persécuté.

Celle [la règle] des vingt-quatre heures fut une des premières dont on s'avisa; mais on n'en faisoit pas encore trop grand cas, témoin la manière dont Corneille lui-même en parle dans la préface de Clitandre, imprimée en 1632.

Les tragédies italiennes du xvi c siècle étaient dans la règle des trois unités, règle admirable d'Aristote. La Sophonisbe de Mairet fut la première pièce de théâtre, en France, dans laquelle cette loi fut suivie : elle est de 1633 x .

En Angleterre, en Espagne, on ne s'est assujetti que depuis peu à cette règle, et encore très-rarement.

Corneille... prit tout à coup i'essor dans Mêdée, et monta jusqu'au tra- gique le plus sublime.

Les louanges trop exagérées font tort à celui qui les donne, sans relever celui qui les reçoit.

Corneille avoit dans son cabinet cette pièce [le Cid] traduite en toutes les langues de l'Europe, hors l'esclavone et la turque. Elle étoit en allemand, en anglois, en flamand; et, par exactitude flamande, on l'avoit rendue vers pour vers.

On en use encore ainsi en Italie, et même en Angleterre. Il y a de nos ouvrages de poésie traduits en ces deux langues, vers

1. Nous avons dit qu'elle fut représentée en 1G'29, et imprimée eu 1635. 32. — Comm. sur Corneille. II. 24

�� �