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ACTE V. SCÈ1NE IV. 343

Vers 37. N'est-il pas, n'est-il pas ce sujet téméraire,

Qui, faisant son malheur d'avoir trop su te plaire,

S'obstine à préférer une honteuse fin

Aux honneurs dont ta flamme eût comblé son destin?

Que le mot propre est nécessaire, et que sans lui tout languit ou révolte ! Peut-on appeler sujet téméraire un homme qui ne peut avoir de l'amour pour une vieille reine? Le dégoûl est-il une témérité ? Essex est téméraire d'ailleurs ; mais non pas en amour, non pas parce qu'il aime mieux mourir que d'aimer la reine. Ces répétitions, n'est-il pas, a est-il pas, ne doivent être em- ployées que bien rarement, et dans les cas où la passion effrénée s'occupe de quelque grande image.

��SCENE III.

Vers 9. Ton cœur s'est fait esclave; obéis, il est juste.

Ce vers est parfait, et ce retour de l'indignation à la clémence est bien naturel. C'est une belle péripétie, une belle fin de tra- gédie, quand on passe de la crainte à la pitié, de la rigueur au pardon, et qu'ensuite on retombe par un accident nouveau, mais vraisemblable, dans l'abîme dont on vient de sortir.

��SCÈNE IV.

Vers 10. C'est moi sur cet arrêt que l'on doit consulter; Et sans que je le signe on l'ose exécuter?

C'est ce qui peut arriver en France, où les cours de justice sont en possession depuis longtemps de faire exécuter les citoyens sans en avertir le souverain, selon l'ancien usage qui subsiste encore dans presque toute l'Europe ; mais c'est ce qui n'arrive jamais en Angleterre : il faut absolument ce qu'on appelle le death warrant, la garantie de mort.

La signature du monarque est indispensable, et il n'y a pas un seul exemple du contraire, excepté dans les temps de trouble où le souverain n'était pas reconnu. C'est un fait public qu'Eli- sabeth signa l'arrêt rendu par les pairs contre le comte d'Essex. Le droit de la fiction ne s'étend pas jusqu'à contredire sur le théâtre les lois d'une nation si voisine de nous ; et surtout la loi la plus sage, la plus humaine, qui laisse à la clémence le temps de désarmer la sévérité, et quelquefois l'injustice.

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