Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome32.djvu/332

Cette page n’a pas encore été corrigée

322 REMARQUES SUR ARIANE.

Vers 19. Elle ne paroi f point, et Thésée esl parti.

Ce sont là de ces mis que la situation seule rend excellents; les moindres ornements les affaibliraient. Il y en a quelques-uns de cette espèce dans Ariane; c'est un très-grand mérite : tant il est vrai que le naturel est toujours ce qui plaît le plus.

SCÈNE l\.

Vers 12 Il viole sa foi,

Me désespère, et veut qu'on prenne soin de moi!

Cette répétition des mots du billet de Thésée, qu'on prenne soin de moi, est excellente. Il viole sa foi, me désespère est faible et lâche. C'est de sa sœur qu'elle doit parler : elle savait bien déjà que Thésée avait violé sa foi. // me désespère est un tenue vague. Ariane ne dit pas ce qu'elle doit dire ; ainsi le mauvais est sou- vent à côté du bon, et le goût consiste à démêler ces nuances.

Versdern.Le roi, vous, et les dieux, vous ôtes tous complices.

Ce vers passe pour être beau ; il le serait en effet si les dieux avaient eu quelque part à la pièce, si quelque oracle avait trompé Ariane : il faut avouer que les dieux viennent là assez inutilement pour remplir le vers, et pour frapper l'oreille de la multitude; mais ce vers fait toujours effet.

SCÈ.NE Y. Vers 1 . Ah ! Nérine !

Cette simple exclamation est très-touchante. On se peint à soi-même Ariane plongée dans une douleur qu'elle n'a pas la force d'exprimer ; mais lorsque, le moment d'après, elle dit que sa douleur est si forte que, succombant aux maux qu'on lui fait décou- vrir, elle demeure insensible à force de souffrir, ce n'est plus la dou- leur d'Ariane qui parle, c'est l'esprit du poète. Il me paraît qu'A- riane raisonne trop, et qu'elle ne raisonne pas assez bien.

Vers 17. Je promettois son sang à mes bouillants transports; Mais je trouve à briser les liens les plus forts.

L'un n'est pas opposé à l'autre. Le poêle ne s'exprime pas comme il le doit ; il veut dire -.j'espérais me venger il' une rivale, et cette rivale est ma sœur : elle fuit avec /mm amant, et tous deux bra- vent ma vengeance. Il y a là une douzaine de vers fort mal faits; mais rien n'est plus beau que ceux-ci :

La perfide, abusant de ma tendre amitié, Montroit de ma disgrâce une fausse pitié;

�� �