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ACTE II, SCÈNE VII. 343

Vers 33 Moi, qui voudrais pour Thésée

A cent et cent périls voir ma vie exposéel

Cela est encore imité de Racine i :

Moi, dont vous connaissez le trouble et le tourment, Quand vous ne me quittez que pour quelque moment; Moi qui mourrais le jour qu'on voudrait m'interdire De vous...

Cela vaut mieux que cent et cent périls; mais la situation est très-touchante, et c'est presque toujours la situation qui fait le succès au théâtre.

SCÈNE VI.

Vers 2. Il n'en faut point douter, je suis trahie, etc.

Il manque peut-être à cette scène de la gradation dans la douleur, et de la force dans les sentiments. Ariane ne doit point dire qu'elle regrette cette raison barbare. La raison ne s'oppose point du tout à sa juste douleur, et ce n'est pas ainsi que le désespoir s'exprime : c'est le poète qui fait là une digression sur la raison barbare; ce n'est point Ariane. Thomas Corneille imitait souvent de son frère ce grand défaut qui consiste à vouloir rai- sonner quand il faut sentir.

SCÈNE VII.

Vers 2. Vous avez cru Thésée un héros tout parfait?

Vous l'estimiez, sans doute; et qui ne l'eût pas fait? Plus d'honneur, tout chancelle.

Voilà des expressions bien étranges; il n'était plus permis d'écrire avec tant de négligence, après les modèles que Thomas Corneille avait devant les yeux.

Vers 12. Son sang devrait payer la douleur qui me presse.

Pour parler ainsi, Ariane devrait être plus sûre de l'infidélité de Thésée. Ce que lui a dit Pirithoùs n'est point assez clair pour la convaincre de son malheur; elle devait demander des éclair- cissements à Pirithoùs, elle devait même chercher Thésée. L'amour aime à se flatter : le doute, l'agitation, le trouble, de- vaient être plus marqués. Phèdre se présente ici d'elle-même ;

i. Bérénice, acte II, scène iv.

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