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ACTE I, SCÈNE I. :«>;

tous les vers, vous n'en trouverez qur très-peu qui résistent à une critique exacte. Cette négligence dans le style, un plutôt cette platitude n'esl presque pas remarquée au théâtre. Elle esl sauvée par la rapidité de la déclamation, et c'est ce qui encou- rage tant d'auteurs à se négliger, à employer des termes impro- pres, à mettre presque toujours le boursoullé à la place du naturel, à rimer en épithètes, à remplir leurs vers de solécismes, ou de façons de parler obscures qui sont pires que des solé- cismes : pour peu qu'il y ail dans leurs pièces deux ou trois situations intéressantes, quoique rebattues, ils sont contents. Nous avons déjà dit que nous n'avons pas depuis Racine une tragédie bien écrite d'un bout à l'autre 1 .

Vers 89. D'un aveugle penchant le charme imperceptible

Frappe, saisit, entraine, et rend un cœur sensible;

Et, par une secrète et nécessaire loi,

On se livre à l'amour sans qu'on sache pourquoi.

Ces vers sont une imitation de ces vers de Rodogune- :

11 est des nœuds secrets, il est des sympathies, Dont par le doux rapport les âmes assorties, etc.

et de ces vers de la Suite du Menteur :

Quand les ordres du ciel nous ont laits l'un pour l'autre 3 , Lyse, c'est un accord bientôt fait que le nôtre, etc.

Redisons toujours que ces vers d'idylle, ces petites maximes d'amour, conviennent peu au dialogue de la tragédie; que toute maxime doit échapper au sentiment du personnage ; qu'il peut, par les expressions de son amour, dire rapidement un mot qui devienne maxime, mais non pas être un parleur d'amour.

C'est ici qu'il ne sera pas inutile d'observer encore que ces lieux communs de morale lubrique*, que Despréaux a tant reprochés à Quinault, se trouvent dans des ariettes détachées où elles sont bien placées, et que jamais le personnage de la scène ne pro- nonce une maxime qu'à propos, tantôt pour faire pressentir sa passion, tantôt pour la déguiser. Ces maximes sont toujours courtes, naturelles, bien exprimées, convenables au personnage et

1. Voyez ci-dessus, page 297.

2. Acte I er , scène vu.

3. Acte IV, scène i™.

4. Boileau, satire X, vers lit.

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