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l'i REMARQUES SUR BÉRÉNICE.

Racine passa de l'imitation de Tacite à celle de Tibulle. Il se tira d'un très-mauvais pas par un effort de l'art, et par la magie enchanteresse de ce style qui n'a été donné qu'à lui.

Jamais on n'a mieux senti quel est le mérite delà difficulté surmontée. Celte difficulté était extrême, le fond ne semblait fournir que deux ou trois scènes, et il fallait faire cinq actes.

On ne donnera qu'un léger commentaire sur la tragédie de Corneille; il faut avouer qu'elle n'en mérite pas. On en fera sur celle de Racine, que nous donnons avant la Bérénice de Corneille. Les lecteurs doivent sentir qu'on ne cherche qu'à leur être utile : ce n'est ni pour Corneille ni pour Racine qu'on écrit; c'est pour leur art, et pour les amateurs de cet art si difficile.

On ne doit pas se passionner pour un nom. n'importe qui soit l'auteur de la Bérénice qu'on lit avec plaisir, et celui de la Bérénice qu'on ne lit plus? C'est l'ouvrage, et non la personne, qui intéresse la postérité. Tout esprit départi doit céder au désir de s'instruire.

��ACTE PREMIER.

SCÈNE I.

Vers 7. De son appartement cette porte est prochaine,

Et cette autre conduit dans celui de la reine, etc.

Ce détail n'est pas inutile: il fait voir clairement combien l'unité de lieu est observée; il met le spectateur au fait tout d'un coup. On pourrait dire que la pompe de ces lieux, et ce cabinet superbe, paraissent des expressions peu convenables à un prince, que cette pompe ne doit point du tout éblouir, et qui est occupé de toute autre chose que des ornements d'un cabinet. J'ai tou- jours remarqué que la douceur des \ers empêchait qu'on ne remarquât ce défaut.

Vers 15. Ouoi ! déjà de Titus épouse en espérance,

Ce rang entre elle et vous met-il tant de distance?

Kjtmfse en espérance, expression heureuse et neuve dont Racine enrichit la langue, et que par conséquent on critiqua d'a- bord. Remarquez encore qu'épouse suppose étant épouse; c'est une ellipse heureuse en poésie. Ces finesses font le charme de la diction.

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