Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome32.djvu/280

Cette page n’a pas encore été corrigée

REMARQUES

SUR BÉRÉNICE

TRAGÉDIE DE RACINE, REPRÉSENTÉE EN 1070 *.

��PREFACE DU COMMENTATEUR.

Un amant et une maîtresse qui se quittent ne sont pas sans doute un sujet de tragédie. Si on avait proposé un tel plan à Sophocle ou à Euripide, ils l'auraient renvoyé à Aristophane. L'amour qui n'est qu'amour, qui n'est point une passion terrible et funeste, ne semble fait que pour la comédie, pour la pastorale, ou pour Péglogue.

Cependant Henriette d'Angleterre, belle-sœur de Louis XIV, voulut que Racine et Corneille fissent chacun une tragédie des adieux de Titus et de Bérénice. Elle crut qu'une victoire obtenue sur l'amour le plus vrai et le plus tendre ennoblissait le sujet, et en cela elle ne se trompait pas ; mais elle avait encore un in- térêt secret à voir cette victoire représentée sur le théâtre; elle se ressouvenait des sentiments quelle avait eus longtemps pour Louis XIV, et du goût vif de ce prince pour elle. Le danger de cotte passion, la crainte de mettre le trouble dans la famille royale, les noms de beau-frère et de belle-sœur, mirent un frein à leurs désirs; mais il resta toujours dans leurs cœurs une incli- nation secrète, toujours chère à l'un et à l'autre.

Ce sont ces sentiments qu'elle voulut voir développés sur la scène, autant pour sa consolation que pour son amusement. Elle chargea le marquis de Dangeau, confident de ses amours avec le roi, d'engager secrètement Corneille et Racine à travailler l'un et l'autre sur ce sujet, qui paraissait si peu fait pour la scène. Les

1. Dans son édition de Corneille, Voltaire publia la Bérénice de Racine en

avant de celle de Corneille.

�� �