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268 REMARQUES SUR ATTILA.

vieillesse; il arrive alors à notre esprit en qui arrive à nos fibres. Racine, dans la force de son âge, né avec un cœur tendre, un espril flexible, une oreille harmonieuse, donnait à la langue française un charme qu'elle n'avail point eu jusqu'alors. Ses vers entraient dans la mémoire des spectateurs, comme un jour doux entre dans les yeux. Jamais les nuances #des passions ne furent exprimées avec un coloris plus naturel et plus vrai; jamais on ne fit de vers plus coulants, et en mé temps plus e\ads.

H ne faul pas s'étonner si le style de Corneille, devenu encore plus incorrect et plus raboteux dans ses dernières pièces, rebu- tait les esprits que Racine enchantait, et qui devenaient par cela même pins difficiles.

Quel commentaire peut-on faire sur Attila, qui combat de tête encore plus que de bras; sur la terreur de son bras, qui lui donne pour nouveaux compagnons les Alains, les Francs et les Bourguignons; sur un Ardaric et sur un Valamir, deux prétendus rois qu'on traite comme des officiers subalternes; sur cet Ardaric, qui est amoureux et qui s'écrie :

Qu'ud monarque est heureux lorsque le ciel lui donne La main d'une si rare et si belle personne! etc.-

La même raison qui m'a empêché d'entrer dans aucun détail sur Agèsilas m'arrête pour Attila, et les lecteurs qui pourront lire ces pièces me pardonneront sans doute de m'abstenir des remarques; je suis sûr du moins qu'ils ne me pardonneraient pas d'en avoir fait.

Je dirai seulement, dans cette préface, qu'il est très-vraisem- blable que cet Attila, très-peu connu des historiens, était un homme d'un mérite rare dans son métier de brigand. Un capi- taine de la nation des Huns qui force l'empereur Théodose à lui payer tribut; qui savait discipliner ses armées, les recruter chez ses ennemis mêmes, et nourrir la guerre par la guerre; un homme qui marcha en vainqueur de Constantinople aux portes de Rome, et qui, dans un règne de dix ans, fut la terreur de l'Europe entière, devait avoir autant de politique que de cou- rage, et c'est une grande erreur de penser qu'on puisse être con- quérant sans avoir autant d'habileté que de valeur.' 11 ne faut pas croire, sur la foi de Jornandès, qu'Attila mena une armée de cinq cent mille hommes dans les plaines de la Champagne : avec quoi aurait-il nourri une pareille armée? La prétendue victoire remportée par Aétius, auprès de Chalons, et deux cent mille hommes tués de part et d'autre dans cette bataille, peuvent être

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