Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome32.djvu/215

Cette page n’a pas encore été corrigée

AlCTE III, SCÈNE I. 20:;

et du pathétique do la vraie tragédie, comme Corneille l'avoue dans sou Examen; mais celte scène de Sertorius el de Pompée,

prise à pari, est un grand modèle.

Il n'y a, je crois, que deux autres exemples sur le théâtre de ces conférences entre de grands hommes, qui méritent d'être re- marqués. La première, dans Shakespeare, outre Cassius el Brutus: elle est dans uu goût un peu différent de celui de Corneille. Bru- tus reproche à Cassius that he hath an itching palm : c< qui signi- fie précisément que Cassius se fait graisser la patte. Cassius répond qu'il aimerait mieux être un chien et aboyer à la lune (pie de se faire donner des pot-de-vin. 11 y a d'ailleurs des choses vives et animées, mais ce ton de la halle n'est pas tout à fait celui de la scène tragique ; ce n'est pas celui du sage Addison.

La seconde conférence est dans l'Alexandre de Racine, entre Porus, Éphestion, et ïaxile. Si Éphestion était un personnage principal, et si la tragédie était intéressante, cette conférence pourrait encore plaire beaucoup au théâtre, même après celle de Sertorius et de Pompée. Le mal est que ces scènes ne sont pas absolument nécessaires à la pièce. Sertorius même dit au quatrième acte 1 :

Quel bruit fait par la ville

De Pompée et de moi l'entrevue inutile?

Ces scènes donnent rarement au spectateur d'autre plaisir que celui de voir de grands hommes conférer ensemble.

Vers I . Seigneur, qui des mortels eût jamais osé croire Hue la trêve à tel point dût rehausser ma gloire?

Certainement Sertorius n'a jamais dit à Pompée : Quel homme aurait jamais osé croire que ma gloire pût être augmentée? On ne parle point ainsi de soi-même; la bienséance n'est pas observée dans les expressions. Le fond de la pensée est que la visite de Pompée est le plus grand honneur qu'il ait jamais reçu; mais il ne doit pas commencer par parler de sa gloire, et par dire que jamais mortel n'eût osé croire que cette gloire pût augmenter: ces vers peuvent paraître une fanfaronnade plus qu'un compli- ment. Il eût été plus court, plus naturel, plus décent, de suppri- mer ces vers, et de dire avec une noble simplicité : Seigneur, je doute encor si ma vue est trompée, etc.

1. Scène 111.

�� �