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170 REMARQUES SUR ŒDIPE.

inexcusable qu'il avail devanl 1rs yeux Sophocle, qui a traité ce morceau en maître.

SCÈNE \ II.

Le spectateur, qui étail ému, cesse ici de l'être. QEdipe, qui raisonne avec Dire» de l'amour de cette princesse pour Thésée; lait oublier ses malheurs: il rompt le fil de l'intérêt. Direé est si étrangère à l'aventure d'OKdipe que toutes les fois qu'elle paraît elle l'ait beaucoup plus de tort à la pièce que l'infante n'en fait à la tragédie du Cid, et Livie à Oinna: car on peut retrancher Livie et l'infante, et on ne peut retrancher Dircé et Thésée, qui sont malheureusement des acteurs principaux.

Il reste une réflexion à faire sur la tragédie û'Œdipe. C'est, sans contredit, le chef-d'œuvre de l'antiquité, quoique avec de grands défauts. Toutes les nations éclairées se sont réunies à l'admirer, en convenant des fautes de Sophocle. Pourquoi ce sujet n'a-t-il pu être traité avec un plein succès chez aucune de ces nations? Ce n'est pas certainement qu'il ne soit très-tragique. Quelques personnes ont prétendu qu'on ne peut s'intéresser aux crimes involontaires d'OEdipe, et que son châtiment révolte plus qu'il ne touche. Cette opinion est démentie par l'expérience, car tout ce qui a été imité de Sophocle, quoique très-faiblement dans l'Œdipe, a toujours réussi parmi nous; et tout ce qu'on a mêlé d'étranger à ce sujet a été condamné. Il faut donc conclure qu'il fallait traiter Œdipe dans tout la simplicité grecque. Pourquoi ne l'avons-nous pas fait? C'est que nos pièces en cinq actes, dénuées de chœurs, ne peuvent être conduites jusqu'au dernier acte sans des secours étrangers au sujet. iVous les chargeons d'épisodes, et nous les étouffons : cela s'appelle du remplissage. J'ai déjà dit 1 qu'on veut une tragédie qui dure deux heures : il faudrait qu'elle durât moins, et qu'elle fût meilleure

C'est le comble du ridicule de parler d'amour dans Œdipe, dans Electre, dans Mèrope. Lorsqu'en 1718 il fut question de re- présenter le seul Œdipe* qui soit resté depuis au théâtre, les comédiens exigèrent quelques scènes où l'amour ne fût pas oublié, et l'auteur gâta et avilit ce beau sujet par le froid ressou- venir d'un amour insipide entre Philoctète et Jocastc.

��1. Dan-; L'édition de 1764, Voltaù^ disait : <>n veut uni' tragédie. Ce (ai eu 1771 qu'il mit : J'ai déjà il il qu T on veut, etc. Voyez ci-dessus, page 164. '2. L'OEdipe de Voltaire lui-même.

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