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164 REMARQUES SUR ŒDIPE.

od n'a rien à dire. Presque toutes nus tragédies sont trop Longues; le public \oiilaii pour ses dix sous avoir un spectacle de deux heures-, el il J avait trop souvent une heure et demie d'ennui. Ce nVtail pas des archontes qui donnaient des jeux au peuple d'Athènes; ce n'était pas des édiles qui assemblaient le peuple romain : c'était une société d'histrions qui, moyennant quelque argent qu'ils donnaient au clerc d'un lieutenant civil, obtenaient la permission de jouer dans un jeu de paume. Les décorations étaient peintes par un barbouilleur, les babils fournis par un fripier. Le parterre voulait des épisodes d'amour, et celle qui jouait les amoureuses \oulait absolument un rôle. Ce n'est pas ainsi que l'Œdipe de Sophocle fut réprésenté sur le théâtre d'Athènes.

SCÈNE IV.

C'est ici que commence la pièce. Le spectateur est remué des le premiers vers que dit Œdipe. Cela seul fait voir combien d'Aubignac 1 était mauvais juge de l'art dont il donna des règles. Jl soutient que le sujet d'Œdipe ne peut intéresser, et dès les pre- miers vers où ce sujet est traité il intéresse malgré le froid de tout ce qui précède.

Vers 25. Un bruit court depuis peu qu'il vous a mal servie, etc.

Œdipe devrait donc en avoir déjà parlé au premier acte. Il ne devait donc pas dire dans ce premier acte que c'était le sang innocent de cet enfant qui était la cause des malheurs de Thèbes.

\ ers 3<s. \ o .s pouvez consulter le devin Tirésie.

Quelle différence entre ce froid récit delà consultation, et les terribles prédictions que fait Tirésie dans Sophocle! Pourquoi n'a-l-on pu faire paraître ce Tirésie sur le théâtre de Paris? J'ose croire que si on avait eu, du temps de Corneille, un théâtre tel que nous l'avons depuis peu d'années, grâce à la générosité éclairée de M. le comte de Lauraguais 2 , le grand Corneille n'eût pas hésité à produire Tirésie sur la scène, à imiter le dialogue admirable de Sophocle. On eût connu alors la raison pour la- quelle les arrêts des dieux \eiileni qu'QEdipe se prive lui-mê

de la vue : c'est qu'il a reproché à l'interprète des dieux son aveu-

1. L'auteur de la Pratique du théâtre, ennemi de Corneille. -1. Depuis 1759. Voyez, tome V, l'épltre dédicatoire en tête de la comédie de l'Écossaise.

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