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ACTE II, SCÈNE III. 161

deux pivots delà tragédie, ne subsistent plus. Corneille a soin cul oublié ces deux ressorts du théâtre tragique. Il a mis à la place des conversations dans lesquelles on trouve souvent des idées fortes, mais qui ne vont point au cœur.

��SCÈNE II.

Vers I . Mégare, que dis-tu de cette violence ?

Mégare n'a rien à dire de cette violence, sinon que Dircé est un personnage très-étranger et très-insipide dans cette tragédie.

Vers 18. J'ai vu sa politique en former les tendresses, etc.

Sa politique, politique nouvelle, politique partout. Je n'insiste pas sur le comique de cette répétition et de ce tour; mais il faut remarquer que toute femme passionnée qui parle de politique est toujours très-froide, et que l'amour de Dircé, dans de telles circonstances, est plus froid encore.

SCÈNE III.

Vers 10. Appréhender pour lui, c'est lui faire une injure.

Ce vers seul suffirait pour faire un grand tort à la pièce, pour en bannir tout l'intérêt. 11 ne faut jamais tâcher de rendre odieux un personnage qui doit attirer sur lui la compassion : c'est man- quer à la première règle. J'avertis encore que je ne remarque point dans cette pièce les fautes de langage : elles sont à peu près les mêmes que dans les pièces précédentes. Corneille n'écrivit presque jamais purement. La langue française ne se perfectionna que lorsque Corneille, ayant déjà donné plusieurs pièces, s'était formé un style dont il ne pouvait plus se défaire 1 .

Mais voici une observation plus importante. Dircé se croit destinée pour victime, elle se prépare généreusement à mourir : c'est uue situation très-belle, très-touchante par elle-même. Pour- quoi ne fait-elle nul effet? Pourquoi ennuie-t-elle? C'est qu'elle n'est point préparée ; c'est que Dircé a déjà révolté les spectateurs

1. « A oltaire oublie, dit Palissot, que la langue française se perfectionna par les beaux vers du Cid, des Horaces, de Cinna,de Pompée, et de Polyeucte, et qu'ainsi ce fut à Corneille lui-même qu'elle fut redevable de ses progrès. 11 y a plus loin, en effet, du style de ce grand poète à celui de ses prédécesseurs que de son style à celui de Pascal, de Boileau et de Racine, qui achevèrent de perfectionner la langue. »

32. — Comm. sir Corneille. II. H

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