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ACTE II, SCË NE II. -109

Vers o9 Si je lui laisse un jour une couronne,

Ma tête en porte trois que sa valeur me donm\ J'en rougis dans mon âme; et ma confusion... Sans cesse offre à mes yeux cette vue importune Que qui m'en donne trois peut bien m'en ôter une; Qu'il n'a qu'à l'entreprendre et peut tout ce qu'il veut. Juge, Araspe, où j'en suis, s'il veut tout ce qu'il peut.

Ces antithèses et ces figures de mots, comme on l'a déjà re- marqué 1 , doivent être bien rares. La versification héroïque exige que les vers ne finissent point par des verbes en monosyllabes ; l'harmonie en souffre; il peut, il veut, il fait, il court, sont des syl- labes sèches et rudes ; il n'en est pas de même dans les rimes féminines, il vole, il presse, il prie : ces mots sont plus soutenus; ils ne valent qu'une syllabe, mais on sent qu'il y en a deux qui forment une syllabe longue et harmonieuse. Ces petites finesses de l'art sont à peine connues, et n'en sont pas moins importantes.

Vers 81. Et le prends-tu pour homme à voir d'un œil égal Et l'amour de son frère, et la mort d'Annibal'?... Il est le dieu du peuple et celui des soldats. Sûr de ceux-ci, sans doute, il vient soulever l'autre, Fondre avec son pouvoir sur le reste du nôtre.

Expressions vicieuses. On ne peut dire l'autre que quand on l'oppose à l'un. Le nôtre ne se peut dire à la place du mien, à moins qu'on n'ait déjà parlé au pluriel. Je le répète encore, rien n'est si difficile et si rare que de bien écrire.

Vers 91. Je veux bien toutefois agir avec adresse,

Joindre beaucoup d'honneur à bien peu de rudesse, etc.

Tout cela est d'un style confus, obscur. Le reste du nôtre qui n'est pas tout à fait impuissant, et bien peu de rudesse, et le prix d'un mérite mêlé doucement à un ressentiment ! Il n'y a pas là deux mots qui soient faits l'un pour l'autre.

SCÈNE II.

Vers 8. Je viens remercier et mon père et mon roi... D'avoir choisi mon bras pour une telle gloire.

On ne choisit point un bras pour une gloire.

1. Remarques sur Rodogune, acte I er , scène vu, et IV, vu.

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