Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/610

Cette page n’a pas encore été corrigée

Corneille supprima ces huit vers avec grande raison. Une femme empoisonnée et mourante n’a pas le temps d’entrer dans ces détails, et une femme aussi forcenée que Cléopâtre ne rend point compte ainsi à ses ennemis. Les comédiens de Paris ont rétabli ces vers, pour avoir le mérite de réciter quelques vers que personne ne connaissait. La singularité lésa plus déterminés que le goût. Ils se donnent trop la licence de supprimer et d’allonger des morceaux qu’on doit laisser comme ils étaient’.

On trouvera peut-être que J’ai examiné cette pièce avec des yeux trop sévères; mais ma réponse sera toujours que je n’ai entrepris ce commentaire que pour être utile ; que mon dessein n’a pas été de donner dévalues louanges à un mort, qui n’en a pas besoin, et à qui je donne d’ailleurs tous les éloges qui lui sont dus ; qu’il faut éclairer les artistes, et non les tromper ; que je n’ai pas cherché malignement à trouver des défauts : que j’ai examiné chaque pièce avec la plus grande attention : que j’ai très-souvent consulté des hommes d’esprit et de goût-, et que je n’ai dit que ce qui m’a paru la vérité. Admirons le génie màlc et fécond de Corneille ; mais, pour la perfection de l’art, connaissons ses fautes ainsi que ses beautés.

SCÈNE DEll.MÈUE.

Vers 1. Dans les justes rigueurs d’un sort si déplorable,

Seigneur, le juste ciel vous est bien favorable, etc.

L’ambassadeur Oronte n’a joué dans toute la pièce qu’un rùle insipide, et il finit l’acte le plus tragique par les plus froids compliments.

1. Ceci est une leçon aux comédiens, qui mutilaient toutes les pièces de Voltaire, absent de Paris.

2. On en trouve la preuve dans la Correspondance. C’est ainsi qu’il consulte le cardinal de Bernis sur cet examen de Rodogune, et il écrit : « Voyez, je vous prie, si je suis un âne. Vous me trouverez bien sévère, mais je vous renvoie à la petite apologie que je fais de cette sévérité à la fin de l’examen. Ma vocation est de dire ce que je pense. »