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390 REMARQUES SUR RODOGUNE.

Vers 89. Du moins .<ouvonez-\ous qu'elle n'a pris pour armes Que de foibles soupirs el d'impuissantes larmes.

S'il n"a ou que d'impuissantes larmes, comment Cléopàtre a-t-ellc pu lui dire : Qurlle aveugle fureur vous possède, comme on l'a déjà remarqué ?

Vers 96. Je sens (jue je suis mère auprès de \os douleurs.

Cela n'est i)as français; il fallait dire: vos douleurs me fonl sentir que je suis mère. La correction du stylo est devenue d'une néces- sité absolue. On est obligé de tourner quelquefois un vers en plusieurs manières avant de rencontrer la bonne.

Vers 99. Tien'dez grâces aux dieux, qui vous ont fait l'aîné.

Je suis encore surpris du peu d'effet que produit ici cette déclaration de la primogéniture d'Antiocbus ; c'est pourtant le sujet de la pièce, c'est ce qui est annoncé dès les premiers vers comme la cbose la plus importante. Je pense que la raison de l'indifférence avec laquelle on entend cette déclaration est qu'on ne la croit pas vraie. Cléopàtre vient de s'adoucir sans aucune rai- son ; on pense que tout ce qu'elle dit est feint. Une autre raison encore du peu d'effet de cette déclaration si importante, c'est qu'elle est noyée dans un amas de petits artifices, de mauvaises raisons, et surtout de mauvais vers. Cela peut rendre attentif, mais cela ne saurait toucher. J'observe que, parmi ces défauts, l'intérêt de curiosité se fait toujours sentir: c'est ce qui soutient la pièce jusqu'au cinquième acte, dont les grandes beautés, la situation unique, et le te'rrible tableau, demandent grâce pour tant de fautes, et l'obtiennent.

Vers 109. Oui, je veux couronner une flamme si belle.

Une flamme si belle n'est pas une raison quand il s'agit d'un trône; il faut d'autres preuves. Le petit compliment qu'elle fait à Antiochus est plutôt de la comédie que de la tragédie.

Vers 1'!3. Heureux Aniiochus! heureuse Rodogunc!

Il faut que c:> prince ait le sens bien borné pour n'avoir aucune défiance, en voyant sa mère passer tout d'un coup de l'excès de la miichanceté la plus atroce à l'e.xcès de la bonté. Quoi ! après qu'elle ne lui a parlé que d'assassiner Rodogune, après avoir voulu lui faire accroire que Séleucus l'a tuée, après lui avoir dit : Périssez, périssez, elle lui dit que ses larmes ont do rintelli- gence dans son (•(iMir; et Antiochus la croit! Non, une telle cré-

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