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ACTE III, SCÈNE V. 577

est ajusté au tliéAtro d'une manière peu vraisemblable, et quel- quelois contradictoire: car il est contradictoire que cet ambassa- deur Oronte soit instruit de l'amour des deux frères, et que lîodogune ne le sache pas. Il n'est guère possible qu'An tiocbus aime une mère parricide, et c'est une chose trop forcée que Cléopàtrc demande la tète de Rodogune, et Rodogune la tête de Cléopâtre, dans la même heure et aux mêmes personnes, d'au- lant plus que ce meurtre horrible n'est nécessaire ni à Tune ni à l'autre : toutes deux même, en faisant cette proposition, risquent beaucoup plus qu'elles ne peuvent espérer. Les hommes les moins insiruils sentent trop que t;)ules ces préparations si forcées, si peu nji^urelies, sont l'échafaud préparé pour établir le cinquième acte. Cependant l'auteur a voulu qu'Antiochus pût balancer entre sa mère et sa maîtresse, quand elles s'accuseront l'une et l'autre d'un parricide et d'un empoisonnement; mais il était impossible qu'Antiochus fût raisonnablement indécis entre ces deux prin- cesses, si elles n'avaient paru également coupables dans le cours de la pièce, il fallait donc nécessairement que Rodogune pût être soupçonnée avec quelque vraisemblance ; mais aussi Rodogune, en se rendant si coupable, changeait de caractère et devenait odieuse; il fallait donc trouver quelque autre nœud, quelque autre intrigue qui sauvât le caractère de Rodogune ; il fallait qu'elle parût coupable et qu'elle ne le fût pas. Ce moyen eût encore eu de grands inconvénients. Il reste à savoir s'il est per- mis d'amener une grande beauté par de grands défauts, et c'est sur quoi je n'ose prononcer; mais je doute qu'une pièce remplie de ces défauts essentiels, et en général si mal écrite, pût aujour- d'hui être soufferte jusqu'au quatrièiTie acte par une assemblée de gens de goût qui ne prévoiraient pas les beautés du cinquième.

Vers dern. Adieu, princes.

Adieu, après une telle proposition ! Et observez qu'elle n'a pas dit un seul mot de la seule chose qui pourrait en quelque façon lui faire pardonner cette horreur insensée. Elle devait leur dire au moins : Cléopâtre vous a demandé ma tête ; ma sûreté me force à vous demander la sienne. ^

SCÈNE V.

Vers 1 Hélas ! c'est donc ainsi qu'on traite

Les plus profonds respects d'une amour si parfaite !

Est-ce ici le temps de se plaindre qu'on a mal reçu ces pro- fonds respects de l'amour, quand il s'agit d'un parricide ?

31. — CoMM. sur. Cou.\FiLi.E. I. 37

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