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532 REMARQUES SUR THÉODORE.

ACTE CINQUIÈME.

SCÈNE VIII.

^e^s dern.No crains rien. I\Iais, ù dieux! que j'ai nioi-mèine à craindre!

Cette fin est funeste, mais elle n'est nullement touchante. Pour- quoi? Parce qu'on ne s'intéresse à personne. A quoi bon intituler tragédie chrétienne ce malheureux ouvrage? Supposons que Théo- dore fût de la religion de ses pères, Marcelle n'en est pas moins furieuse de la perle de sa fille, que Placide a dédaignée, et qui est morte de la fièvre; elle n'en tue pas moins Théodore; elle ne s'en tue pas moins elle-même. Placide aussi ne s'arrache pas moins la vie, et le tout aux yeux du maître de la maison, le plus imbécile qu'on ait jamais mis sur le théâtre tragique. Voilà quatre morts violentes, et tout est froid. Il ne suffit pas de ré- pandre du sang, il faut que l'àme du spectateur soit continuelle- ment remuée en faveur de ceux dont le sang est répandu. Ce n"est pas le meurtre qui touche, c'est l'intérêt qu'on prend aux malheureux. Jamais Corneille n'a cherché cette grande et prin- cipale partie de la tragédie : il a donné tout à l'intrigue, et sou- vent à l'intrigue plus embrouillée quintéressante. Il a élevé l'àme quelquefois, il a excité l'admiration; il a presque toujours négligé les deux grands pivots du tragique, la terreur et la pitié. Il a fait très-rarement répandre des larmes.

��EXAMEN DE THEODORE.

La représentation de cette tragédie n'a pas eu grand éclat.

Elle devrait avoir fait beaucoup de bruit; la prostitution avait dû révolter tout le monde. Les comédiens aujourd'hui n'ose- raient représenter une pareille pièce, fût-elle parfaitement écrite.

Placide en peut faire naître, et purger ensuite ces forts attachements d'amour qui sont cause do son malheur.

Placide ne peut rien i)urger, et il serait à souhaiter que Cor- neille eût purgé le recueil de ses œuvres de cette infâme pièce, si indigne de se trouver avec le Ciel et Cinna.

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