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ACTli II, SCÈNE III. 445

SCÈNE III.

Vers 4. Vous haïssez toujours ce fidèle sujet?

— Non, mais en liberté je ris de son projet.

Le spectateur est indigné qu'après la mort du granil l*omp(}e, dont il est rempli, Ptolomée et Cléopàtre s'amusent à parler de Photin, et que Cléopàtro dise, en vers de comédie, qu'elle rit de son jjrojet.

Il faut, autant qu'on le peut, fixer toujours l'attention du public sur les grands objets, et parler peu des petits, mais avec dignité.

Cette froide scène devient encore moins tragique par les petites ironies du frère et de la sœur.

Vers lo. Il en coûte la vie et la tète à Pompée. Quand on dit la vie, la tête est de trop.

Vers 22. Je ferai mes présents; n'ayez soin que des vôtres.

Je ferai mes présents est de la dernière indécence, surtout dans la bouche d'un femme galante. N'ayez soin ([iie des vôtres paraît encore plus insupportable quand il s'agit de la tête de Pompée.

Vers 33. Je connois ma portée, et ne prends point le change... V. 43, 44. Et je suis bonne sœur si vous m'êtes bon frère.

— Vous montrez cependant un peu bien du mépris, etc.

Tout cela est d'un comique si froid que plusieurs personnes sont étonnées que Corneille ait pu passer si rapidement du pathé- tique et du sublime à ce style bourgeois, et qu'il n'ait point eu quelque ami qui l'ait fait apercevoir de ces disparates. On l'a déjà dit^ : Corneille n'était plus le même quand il n'était plus soutenu par la majesté du sujet, et il ne vivait pas dans un temps où l'on connût encore toutes les bienséances du dialogue, la pureté du style, l'art, aussi nécessaire que difficile, de dire les petites choses avec une noblesse élégante. On ne peut trop ré- péter que la plupart des défauts de Corneille sont ceux de son siècle.

. . . . Je suis bonne sœur si vous m'êtes bon frère;

vers de comédie, et mauvais vers. Un peu bien du mipris n'est pas français.

1. Voltaire le dit dans ses Remarques sur Pompée, acte V, scène ii ; sur Tliéo- dore, acte III, scène m.

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